Carnet de bord 2020, semaine 23 7 juin 2020 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , , , , , ,

publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV

lundi

Je ne vais pas faire ici le compte-rendu régulier des spams qu'on reçoit mais enfin celui-ci vaut tout de même son pesant de cacahuètes : un imprimeur en Chine (des fois qu'on ait des envies de délocaliser l'impression de nos livres ; nous ne serions pas les premiers) qui sous prétexte de nous démarcher ne nous démarche pas, mais prend de nos nouvelles, et veut savoir si l'épidémie de covid-19 s'est améliorée en France parce que notre sort les inquiète particulièrement. J'ai presque envie de répondre pour faire la conversation. Ou de leur envoyer cette vidéo de Doucement (!) pour l'inviter à la douceur, et pour me lancer avec lui dans un match de promotion qui ne dit pas son nom :

Doudouce, par Katia Bouchoueva from publie.net on Vimeo.

mardi

Livraison (non-distanciée mais enfin admettons) des catalogues par DPD. Hier, ils étaient en Allemagne, et là ils pèsent. Pourquoi ? 60g par brochure fois 200, le calcul est vite fait. Ça sent le neuf, je veux dire le tout juste imprimé. Mais ils sont beaux, bien découpés, et les couleurs sortent bien. S'en suit un moment étrange : préparant l'article de demain pour la parution de Notre vie n'est que mouvement, je cherche à retrouver le blog sur lequel Lou Sarabadzic a rendu compte de son périple en temps réel (ou en léger différé). Impossible d'en retrouver l'url (notez qu'il me suffirait d'ouvrir le livre, mais enfin ne gâchons pas cette histoire par des détails triviaux). En fait, sur le moteur de recherche que j'utilise (lequel tend à être détruit avec tout l'internet par Joachim Séné depuis L'homme heureux), je me heurte à l'absurdité des moteurs de recherche aujourd'hui : sur quatre mots clés indiqués, il m'en raye d'office deux pour pouvoir, plutôt que me proposer ce que je cherche, me vendre  ce que je ne souhaite pas trouver. En plus, il n'arrête pas de me sortir des trucs avec des ours polaires, c'est quand même fou ? Sauf que j'ai écrit polar bear et non polar step (le nom de la plateforme concernée), donc c'est un peu de ma faute. Ce qui est beaucoup de ma faute ? Le fait d'avoir pris dix minutes dans ma journée pour consigner cette histoire, je suppose, mais alors à ce niveau de maestria de temps perdu j'ai envie de dire j'assume. Pas d'ours polaire en tout cas dans les rues de Paris : en revanche mon accoutrement (masque, lunettes de soleil, casquette) me donne l'impression d'être l'homme invisible (mais donc l'homme invisible souhaitant être vu or qui souhaiterait être vu habillé comme ça ?). Un moment chez Philippe (que j'appellerai 5 fois de ma poche pendant ma traversée de la ville, sans doute dans l'idée inconsciente de lui raconter cette fascinante histoire d'ours) où nous conversons dans le respect des gestes barrières, des masques et de l'hydroalcoolisme.

mercredi

C'est le jour-J. Le jour-J de Montaigne, non, de Notre vie n'est que mouvement, mais comme Notre vie n'est que mouvement est écrit depuis et vers (mais aussi au-delà de) Montaigne, c'est un peu, aussi, le jour de Montaigne, bien qu'il ne soit pas né un 3 juin (mais un 28 février) ni même mort un 3 juin (mais un 13 septembre), c'est en soi un problème tant il semblerait que pour parler des auteurs (morts ou vifs) il faille désormais s'en tenir aux dates anniversaires, ce qui est un mystère en soi. Voilà ce que je pourrais dire en ouverture à la Société internationale des amis de Montaigne (il y a une Société internationale des amis de Montaigne) pour leur présenter le livre, prenons note. Mais je ne prends pas note. De fait, je réalise aujourd'hui que l'article annonçant la parution du livre est en ligne que j'ai déjà écrit une présentation de Notre vie n'est que mouvement il y a des semaines, voire des mois : c'était une chute de quatrième de couverture, avant que je la réécrive pour qu'elle soit plus fun et plus funky, pour coller au ton du livre. Je m'étais dit alors, cette première (ou avant-première ou antépénultième), elle fera parfaitement l'affaire pour annoncer la parution du livre sur le site, et voilà, j'ai oublié (et j'en ai réécrit une hier, ce que j'aurais donc pu m'abstenir de faire, mais en même temps ce que j'avais à dire sur le livre il y a X mois aurait-il coïncidé avec ce que j'avais à dire là, maintenant, dans le présent ? j'imagine qu'on ne le saura jamais). Un extrait de ce texte oublié ?

En train, à pied ou en stop, le Brexit en arrière plan lui rappelant que certaines frontières peuvent renaître à tout instant, Lou Sarabadzic mesure non pas le chemin parcouru entre deux époques mais le mouvement qui les berce. L'accompagnent alors toutes ces femmes pionnières qui se sont par le passé battues pour obtenir la liberté d'être elles-mêmes dans un monde trop souvent réservé aux hommes. La liberté de se mouvoir et d'échanger avec autrui fait partie des plus fondamentales. C'est elle qui permet justement de dépasser les frontières.
Notre vie n'est que mouvement les traverse allègrement. Dans son énergie stimulante et sensible, le récit sillonne à la fois les siècles, l'histoire de l'art et la géographie pour nous rappeler l'essence même de toute construction européenne : cultiver des espaces de rencontre.

A 20h, c'est le lancement (dématérialisé mais non fictif) du livre en live sur le vaste web, présentation à réécouter et revoir en ligne. Ou même ici  :

jeudi

Aujourd'hui, je ne comprends pas. Je veux dire, si, je comprends : je comprends qu'Amazon a changé ses pratiques de commande de nouveautés depuis le confinement, par exemple. Que ce soit lié à la situation sanitaire elle-même, au fait que le livre a été déclassé en interne pour permettre la vente du tout et n'importe quoi à partir de mi-mars, à la fermeture de leurs entrepôts en mai, ou au déconfinement progressif qui a suivi, le fait est qu'Amazon ne commande plus les titres le jour de leur parution, comme il le faisait avant. Il fonctionne uniquement au coup par coup, ou cas par cas, bref à la commande client. Est-ce un problème ? Si toutes les commandes passées sur Amazon deviennent des commandes passées sur notre propre site, non, c'est même plutôt une solution à un problème qu'un problème sans solution. Si on perd des commandes dans l'intervalle, en revanche, c'est plus coton et là, nous n'avons que quelques recours possibles : écrire à une adresse mail non nominative derrière laquelle personne ne semble se trouver, rouspéter sur les réseaux sociaux jusqu'à ce que rien n'arrive, ou s'en plaindre dans un carnet de bord tout à fait gratuitement comme ici. De fait, Amazon n'est pas le seul à revoir sa politique de commande : côté FNAC, s'agissant des magasins (hors site web, donc), il semble que presque toutes les commandes notées en début d'année aient été annulées et seuls les best-seller subsitent. Est-on surpris ? Pas vraiment. Est-ce la merde pour beaucoup d'éditeurs indépendants ? Plutôt, oui, Que peut-on faire ? Oublier les supermarchés culturels et s'en remettre aux commerces de proximité et/ou aux éditeurs indés eux-mêmes quand ils font de la vente directe paraît un bon début. Et, comme toujours, partager, partager, partager livres et lectures, coups de cœur et retours critiques (sur les réseaux et ailleurs), bloguer, chroniquer, donner envie de lire ces livres pour qu'ils puissent prendre la tangente et vivre en parallèle. C'est plus que jamais important. Ce n'est pas vintage. Ce qui est vintage en revanche, c'est la façon dont certaines bases de données bibliographiques continuent contre vents et marées (numériques) de procéder au quotidien. Et là je ne comprends pas (bis) : pourquoi encore cataloguer à la main des livres papier (ce qui donne lieu à quelque dialogue lunaire par téléphone : on vient de revenir au bureau cette semaine et on voit que vous n'avez pas envoyé vos exemplaires de nouveautés ; probablement car il n'y avait personne au bureau ?) ? Pourquoi demander l'envoi de visuels et de fichiers de métadonnées hors flux automatiquement récupérable via le distributeur ?  C'est un mystère.

vendredi

Les ventes via Hachette remontent un peu après un début de semaine (faisant suite à un week-end prolongé, certes) apathique. Les ventes sur site, sans doute boostées par notre décision semaine dernière de conserver le dispositif de frais de port à 1€ pour les commandes de deux livres et plus (hors envois à l'étranger), contrebalancent ça. Les abonnements repartent, également. Nous reprenons peu à peu les expéditions postales, pour les cas de commandes ne nécessitant pas d'envois colissimo (commandes d'un livre seul, principalement). Il y aura également des SP (de fait il y en a déjà eu ponctuellement, même si nous avons tâché, dans l'idéal, de favoriser les envois numériques pendant le confinement et après). Philippe est à l'oeuvre pour Soeur(s). Julie contacte les libraires parisiens pour une tournée dans une quinzaine de jours. Christine relit Dans le sillage de Louise Ackermann et je fais de même de mon côté. Voilà ce qu'elle (Louise Ackermann, pas rien Christine Jeanney) écrivait en plein XIXe siècle :

Chez beaucoup, le cœur est tellement à la surface qu’il est pour ainsi dire visible. Chez moi, au
contraire, il est caché à une si grande profondeur qu’on pourrait douter qu’il existe. Il n’a cependant
fallu que creuser au bon endroit pour en faire jaillir une source abondante et vive.

Mais ce n'est pas tout, bien sûr. Déjà, d'autres choses que les nôtres s'écrivent et se publient ces jours-ci. Voir par exemple l'expérience Mon oiseau bleu, de Philippe de Jonckheere, aidé en cela par Joachim Séné : un poème en rouleau html qui se déplie (et se déploie) au fil d'un scrolling vertigineux, et parcouru de spasmes photos, sonores, vidéos. On peut malheureusement être à peu près sûr que jamais la presse dite littéraire ne se penchera réellement sur ce type d'expérience : et pourtant c'est là que se trouve, aussi, la littérature aujourd'hui. Joachim Séné, on le retrouve également dans le livre de Florentine Rey, Désir d'écrire ?, il fait partie (tout comme votre serviteur par ailleurs) des 50 textes d'auteur.e.s contemporain.e.s accompagnés de propositions pour stimuler l'écriture et la créativité ; somme toute une bonne façon de prolonger l'expérience Comment écrire au quotidien, sans parler bien sûr de la nouvelle version des Oloés, qui prolonge le livre originel de pistes d'écriture via des consignes d'atelier. Signalons aussi la création de la revue en ligne Internet Exploreur, qui publie des textes (poétiques mais pas que) inédits, parmi lesquels (mais pas que) des Pokémon et de la poésie bilingue. Un site clair, allégé, économe en énergie, dédié à l'expérience de lecture. On en revient toujours là.