Il est né le 4 décembre 1875 à Prague et mort le 30 décembre 1926 à Montreux en Suisse. Très connu dans le monde anglo-saxon, il est — à l'exception de ses Lettres à un jeune poète — assez peu lu en France… Alors, permettez-nous de vous faire découvrir le bonhomme, voici « sa vie, son œuvre » en quelques points !
L'écrivain et critique Edmond Jaloux fait de lui cette description : « Petit, maigre, chétif, avec un visage osseux et singulièrement étroit, un grand front admirable, un long nez pointu, des moustaches chinoises, un menton presque absent, et ces beaux yeux verts, singuliers, qui illuminaient toute sa physionomie. » D'autres témoignages parlent de ses yeux bleus.
Rilke est un poète sans adresse, continuellement en voyage (Afrique du Nord, Égypte, Berlin, Espagne, Venise, Aix-en-Provence, Arles, Avignon, la Suisse, le Danemark, etc.)
Rilke parlait, entre autres, russe, français, tchèque, italien.
Rilke travaillait debout devant un pupitre.
Rilke commença par faire des études d'Histoire de l'art, de littérature et de philosophie.
Toute sa vie, Rilke eut très peu de moyens, mais dépensa beaucoup.
Rilke est à la fois solitaire et mondain : c'est grâce à son carnet d'adresses qu'il entre en contact avec ses mécènes.
Rilke disait souffrir d'un manque de culture et se sentir démuni devant les catalogues des bibliothèques ; il remerciait les bouquinistes de lui avoir mis devant les yeux des livres qui l’avaient marqué.
Le vrai prénom de Rilke était René : ses parents y ajoutèrent Maria, en mémoire à sa sœur morte avant sa naissance ; lorsque très jeune il enverra un poème à une revue, on lui répondra en pensant qu'il est une fille ; sa mère l'habillera en robe jusqu'à ses sept ans.
La mère de Rilke, très bigote, lui faisait embrasser les plaies du Christ tous les dimanches à l'église.
Rilke a très mal vécu ses années d'internat, à cause de son physique chétif ; il pense avoir réussi à se venger d'un des enfants qui le tourmentaient en le faisant tomber grâce à la seule force de sa pensée.
C'est Lou Andreas-Salomé qui changera le prénom de Rilke en Reiner ; elle lui fera connaître Tolstoï.
L'amour de Rilke pour Lou Andreas Salomé commence en mai 1897: elle est essayiste, romancière et l'une des premières femmes psychanalystes.
Rilke était végétarien.
Rilke tombe très souvent amoureux et de façon fulgurante, mais se détourne de l'être aimé tout aussi vite.
Worpswede était, et est encore, une communauté d'artistes où Rilke rencontra Paula Becker et Clara Westhoff qui deviendra sa femme.
Clara Westhoff, que Rilke épouse en1901, est sculptrice et ancienne élève de Rodin.
Paula Becker a fait un portrait de Rilke ; son style mêle impressionnisme, cubisme et art japonais ; elle meurt très jeune, laissant un bébé de dix-huit jours.
On commande à Rilke une monographie du sculpteur Rodin ; il vient à Paris pour le rencontrer et restera très influencé par sa méthode, « travail et patience ».
Rodin engage Rilke comme secrétaire, avant de se brouiller, de se réconcilier et de se brouiller encore avec lui.
Pendant un temps, Rilke côtoie Cézanne quotidiennement, ce qui fait l'objet de lettres qu'il envoie à sa femme Clara.
Rilke a eu une fille, Ruth, mais il quittera sa femme et sa fille au bout d'un an de mariage.
Rilke croit aux signes ; accompagné de la princesse Marie von Thurn und Taxis, il fait tourner les tables.
La princesse Marie von Thurn und Taxis parlait couramment six langues ; c'était une protectrice des arts ; elle accueillit Rilke dans son château de Duino pour qu'il puisse y écrire les Élégies de Duino.
Rilke connaissait très bien Paris : Valéry Larbaud aimait poser des colles (par exemple : « où se trouve le figuier qui fleurit le premier à Paris ? ») et il était très fier de pouvoir y répondre.
Jeune, Rilke célèbre la guerre, mais en vieillissant il la trouve terrifiante : " la guerre n’est qu’un Dieu déchaîné qui dévore les peuples" dit-il. Le déclenchement de la première guerre mondiale le surprit en Allemagne et l'empêche de retourner à Paris.
Pendant la guerre, Rilke fréquente la peintre Lou Albert-Lazard et les peintres Paul Klee, Franz Marc et Wassily Kandinsky.
Rilke a été l'amant de Baladine Klossowska, mère de deux enfants ; il a encouragé les talents artistiques de ceux-ci, et a donc permis à Balthus de publier ses premiers dessins.
Werner Reinhart, un riche industriel, achète en 1921 la Tour de Muzot et en fait don à Rilke pour qu'il y habite jusqu'à la fin de sa vie.
Rilke meurt dans de très grandes souffrances ; les derniers jours, il ne veut plus voir personne ; « Laissez-moi seul avec Proust », aurait-il dit. La légende dit que Rilke serait mort piqué par une épine de rose ; il s'agissait en fait d'une leucémie.
Ces trois livres sont disponibles édition bilingue français / allemand. Les versions numériques sont téléchargeables sans frais supplémentaire et proposent plusieurs chemins de lecture (comparaison vers français / allemand, poèmes en alternance, etc.)
Si Rainer Maria Rilke (1875-1926) est sans doute un des poètes d’expression allemande les plus universellement connus du premier quart du XXe siècle (et « le meilleur poète d’Europe » aux yeux de Verhaeren), en France on lit surtout ses Lettres à un jeune poète et ses deux grands recueils des années 1920 (Les Élégies de Duino et les Sonnets à Orphée), pour ne retenir de ses Poèmes nouveaux, publiés en deux tomes en 1907 et 1908, que quelques poèmes emblématiques tels que La panthère ou La cathédrale.
Or, c’est avec ce livre (et son pendant narratif, écrit à la même époque : Les Cahiers de Malte Laurids Brigge) que Rilke devient vraiment lui- même, qu’il commence à manifester son projet poétique (et la voix pour l’accompagner) tel que Maurice Blanchot le formulera plus tard en écrivant :
« Voir comme il faut, c’est essentiellement mourir, c’est introduire dans la vue ce retournement qu’est l’extase et qu’est la mort. Ce qui ne signifie pas que tout sombre dans le vide. Au contraire, les choses s’offrent alors dans la fécondité inépuisable de leur sens que notre vision habituellement ignore, elle qui n’est capable que d’un seul point de vue. »
Ce sont ces « poèmes de l’œil », de l’œil posé sur les choses et les paysages, sur les monuments, sur les scènes d’intérieur, sur tout ce qui fait le monde sensible, que nous souhaitons [re]faire découvrir au lecteur français, dans une édition bilingue (actuellement la seule disponible sur le marché éditorial) et dans une traduction nouvelle qui cherche à rendre, avec toutes les difficultés de l’entreprise, la beauté du texte original.
De même qu’Alban Berg treize ans plus tard dédiera son concerto pour violon « à la mémoire d’un ange », Rilke compose en 1922 – et comme d’un seul souffle en trois semaines – les 55 sonnets constitutifs des Sonnets à Orphée à la mémoire (comme « tombeau », écrit-il en sous-titre du cycle) de Véra Ouckama Knoop (1900-1919), jeune danseuse qu’il avait prise en affection et qu’il incarne dans la figure d’Eurydice, pour dire que, face à la mort, il n’est d’espoir que de re-vie.
Cette dernière, seul le chant du poète archétypal – le chant d’Orphée –, permet de l’envisager, au sens premier du verbe : ainsi voit-on la rose refleurir chaque année ; ainsi la fleur coupée, languissante, recouvre-t-elle sa vigueur pour peu qu’on la dispose dans un vase et l’humecte ; ainsi le printemps se révèle-t-il riche de promesses au sortir de l’hiver ; ainsi l’eau des aqueducs longe-t-elle, vive et perpétuelle, les tombeaux pour alimenter la bouche volubile des fontaines. Une strophe parmi d’autres dans le recueil résume peut-être cet espoir et cette sérénité :
Seul qui mangea avec les morts
du pavot, leur pitance,
saura des plus légers accords
garder la souvenance.
Comme si la mort seule nous unissait au chant. Comme si la mort seule en était l’origine.