Carnet de bord 2019, semaine 26 30 juin 2019 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , , , , , , , , ,

publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Ah si j'avais un TARDIS ♪♫ (air connu), ah si j'avais une De Lorean ♪♫ (air connu), ah si j'avais un chrono WC ♪♫ (oui, oui, ça existe, même si c'est un peu moins connu), bref, ah si j'avais, je ne sais pas moi, une MACHINE À EXPLORER LE TEMPS par exemple ! Eh bien je pourrais de suite m'en servir pour revenir jusqu'à vendredi dernier (ce n'est pas loin quand même, vendredi, un saut de trois jours dans le passé, ce n'est rien, la vie me doit bien ça quand même – non) pour délivrer à mon moi-plus-jeune-que-moi-de-trois-jours le message suivant : ne fais pas l'inventaire la semaine prochaine, ce sera la canicule. Fais le plutôt aujourd'hui. Aujourd'hui (comprendre vendredi) il fait 23°. C'est doux 23°. C'est une température idéale pour faire un inventaire. Okay ? Voilà le genre de trucs auxquels je pense, dans la touffeur de ce lundi, en train précisément de faire cet inventaire, bref une belle utopie moderne si vous voulez mon avis, pendant que s'amassent autour de moi des piles de livres mais au moins cette fois, c'est bon, c'est fait, on y est, on arrêtera de remettre sans cesse au lendemain et, c'est, en soi, une bonne chose aussi du point de vue temporel.

mardi

L'inventaire n'est pas fini mais là, c'est la partie facile. Mon stock est ok (même si, comme je l'explique à Julie par téléphone lors de notre iconique point téléphonique du mardi, il est resté longtemps bloqué à 666 livres, ce qui est préoccupant tout de même), je dois maintenant vérifier, à distance, celui de Louise, dont j'avais pris des photos en semaine 20 après la Comédie du livre, lors de mon passage à Montpellier. Pendant ce temps, Roxane et Philippe m'envoient aussi leurs chiffres, c'est que nous avons quatre stocks ici (ou plutôt : ici, ici, ici et ici), et moi j'essaye de déchiffrer des titres ou des noms d'auteurs sur le dos de ces livres car, fatalement, certaines photos, prises à la va-vite on ne va pas se mentir, sont floues, ou dans l'ombre, ou incomplètes. Mais après moult contorsions optiques, on parvient à retrouver ses petits, pour parvenir à nous dire : mais enfin nous sommes surstockés ! En fait, non. Enfin si mais, comme dit Facebook, c'est compliqué. Disons que les livres que nous avons en stock majoritairement sont ceux qu'on ne vend pas facilement (quelque part c'est logique), il nous faut donc trouver une solution non pour les écouler mais pour les faire revivre (et puisqu'on est devenu un as en voyages temporels inopinés je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas se lancer aussi dans la ressuscitation littéraire ; j'ai vérifié, c'est un mot). Et me voilà donc à mettre sur un coin de table tout un tas d'idées plus ou moins farfelues (et, à ce stade, confidentielles) pour nous permettre de prolonger un peu la vie moyenne des livres ici et là (la par exemple, pour un livre paru au printemps, c'est déjà le temps venu des retours libraires à peine deux mois après sa sortie, et c'est vachement triste quand on y pense).

Mais soudain, c'est effectivement un retour dans le temps, un vrai ! C'est à cause (ou grâce à) Rilke, sans la traduction de Lionel-Édouard Martin. Dans le temps de la scolarité (ou plus exactement de la distraction pendant ma scolarité en ce qui me concerne) avec des remarques comme mais quel est le sujet du verbe ici ? Ou bien encore, oui, bien sûr, en allemand tous les noms ont une majuscule, j'étais censé savoir ça (mais j'ai tout oublié). Ce qui, en soit, est quand même beaucoup moins intéressant que de citer directement le texte, on est d'accord :

Ô pénétrez quelquefois, vous les tendres,

les flux de l’air que vous indifférez,

et laissez-les contre vos joues se fendre,

derrière vous ils tremblent, rassemblés.

Vous les heureux, que nul trouble n’empêche,

vous, tels des cœurs en leur commencement.

Votre sourire, arc et but de la flèche,

brille, éploré, plus éternellement.

Ne craignez point de souffrir, la lourdeur,

il faut la rendre à la terre pesante ;

montagnes, mers, tout a sa pesanteur.

L’arbre qu’enfant pour planter l’on déplace

devient très vite une trop lourde plante.

Alors que les airs… alors que l’espace…

Plus loin, c'est au tour d'Horace dont on commence la relecture du premier tome de l'intégrale traduit par Danielle Carlès et alors là, c'est le drame...

...mais il sait aussi poser les vraies questions, Horace :

Quand tu étrangles ta femme, que tu empoisonnes ta mère,

as-tu tout ton bon sens ?

À méditer.

 

mercredi

Qu'est-ce que j'ai fait déjà aujourd'hui ? Je ne sais même plus ce que j'ai fait-déjà-aujourd'hui alors précisément qu'on est l'aujourd'hui du jour dont il est question pendant que je m'interroge sur la tenue dudit jour pour le présent Carnet de bord, c'est quand même préoccupant, ça. Il a fallu que j'aille voir dans mon agenda pour me souvenir ! J'ai dû partir dans le passé trop longtemps l'autre jour et ça a comme gelé le cerveau, cette histoire, autrement je ne vois pas. D'ailleurs je reçois des messages étranges sur mon téléphone, il y a le son mais découpé, on ne comprend rien, si ça se trouve je suis resté bloqué dans le temps et je ne le sais même pas. Sauf que, non, mon cerveau n'est pas gelé, vu comment le mercure monte dans la ville et dans la vie, j'aimerais mieux. Mais non. Il sue. Il fond. À fond. Bref, que dit cet agenda ? Eh bien si je l'en crois j'ai reçu les exemplaires d'Ambiance garantie aujourd'hui qui nous serviront d'épreuves (envoyées dans l'après-midi même) et d'envois pour la presse (idem). En relisant la quatrième de couverture, je me suis dit mince (oui, l'agenda dit mince, il est poli), j'ai écrit humour féroce, ce qui est en soi un cliché, mais c'est comme ça. Au moins, j'ai évité jubilatoire, bon point pour moi. Le reste de ma journée, comme je l'écrit à quelqu'un dans un mail, c'est du bullshit. Pourquoi ? On ne saura pas. Ce n'est pas dit dans l'agenda. Ce que l'agenda ne dit pas, là encore, c'est la réception de ce beau livre édité par la Maison de la poésie de Nantes qui s'intitule Gare maritime : une anthologie écrite et sonore de poésie contemporaine. C'est en lien avec notre rencontre organisée début 2018 dans le cadre des dix ans, avec Florence Jou, Sébastien Ménard et moi-même. D'ailleurs il y a nos trombines dedans, ainsi que des bribes de poèmes.

jeudi

Comme chaque année à la même période, l'heure est venue de faire l'Assemblée Générale de la société éditrice de pulbie.net. Ça n'est pas très sexy à raconter. Il y a des ordinateurs. Des gens derrière ces ordinateurs (nous). On s'envoit des messages. Peu importe au fond que pour deux d'entre nous au moins nous soyons au même endroit, à quelques centimètres de distance. Et il y a des résolutions à adopter. Et nous les adoptons à l'unanimité. Fin.  S'en suit alors une conversation plus détendue, notamment sur notre offre aux bibliothèques et collectivités. Cette semaine, Romain, qui gère notre site, a terminé un développement crucial dans notre quête de nouveaux marchés (sic) d'abonnements. C'est un module de connexion, là encore ce n'est pas très sexy. Mais parfois ce sont les choses non-sexy qui nous permettent de faire tourner la barraque, ou en tous cas de nous projeter vers. Ça dure ce que ça dure, il est beaucoup question de calife (être calife à la place du calife ?), et ensuite c'est un de ces dossiers qui nécessitent de copier nos fichiers numériques sur une clé USB (on ne saura pas pourquoi), ou d'envoyer un petit rectangle de quelques centimètres de côté dans une grande enveloppe Chronopost pour arriver à temps quelque part (avant d'en repartir, que de mystères quand même cette semaine). Puis vient le moment de vite rentrer dans la chaleur toujours pesante, passer devant une pharmacie qui possède deux croix vertes clignotantes, lesquelles affichent deux heures différentes à 12 minutes et 20 mètres d'écart (c'est-à-dire qu'en faisant à peine quelques pas on se trouve perdu dans une nouvelle zone de non-droit temporelle, un genre de triangle des Bermudes localisé sur un trottoir, et alors là comment savoir quand on est, je vous le demande ?), avant d'arriver au moment pile où le livreur Chronopost en est à se battre avec ses propres colis (des gouttes de sueur tombent dessus), il est probable que ce soit un colis pour moi (oui) alors je l'aide à le trouver (comment souvent dans ces cas-là il était sous son nez depuis le début dans un genre d'angle mort de son regard à lui). Et ce sont les exemplaires presse d'Au canal, tiens. Alors, tout ce que j'ai déjà fait hier pour Ambiance garantie, je le refais pour Au canal, et je me surprends à penser (c'est sans doute la chaleur) : ça devrait aller plus vite car il est plus petit. La chaleur ne tombe pas, ou alors bien peu, et bien mal, et bien lentement je trouve, et pour nous rafraichir, pendant que de l'autre côté du pays Roxane, qui en est à mettre en page Amnésie du présent (si ça ce n'est pas un titre qui vous donne envie de vous procurer une machine à voyage dans le temps je ne sais pas ce qu'il vous faut) avec des italiques récalcitrants, des notes de bas de pages et tout le toutim, reçoit un court texte envoyé par Philippe Ethuin pour garnir le blog d'ArchéoSF et dans lequel on peut lire la chaleur et la lumière augmenteront d’intensité dans de telles proportions, qu’elles tueront tout être vivant sur notre planète… De quoi oublier notre canicule.

vendredi

 

Me voilà dans un mail où je n'ai pas envie d'être. Non pas un mail que je reçois mais que moi je dois envoyer. Et je me retrouve à écrire le contraire non de ce que je pense mais de ce que j'aimerais ressentir. Il y a un hiatus. Derrière, des onglets excel vont disparaître (je me comprends), peut-être dans ce hiatus encore. Ou peut-être que je ne me suis pas sorti de cette zone de non-zone où j'ai mis les pieds hier, ce décalage temporel (dimensionnel qui sait) entre deux croix de pharmacie fluo. Le vert fluo, c'est bien la couleur de la matrice après tout. Là, après avoir indiqué le commentaire suivant dans notre logiciel de comptabilité en ligne pour qu'on comprenne mes manipulations comptables : (oui, je sais, c'est tordu mais la vie est tordue !) mais avant de découvrir la nouvelle mouture de Hh que m'a envoyé Joachim il y a des plombes (voir ci-dessus), je termine de relire Horace et j'envoie mes retours. Tout le long de ma lecture, comme à chaque fois, j'ai pris en note des bribes de texte. Voilà qui pourra me servir, un jour ou l'autre, soit pour la présentation du livre à d'autres, soit pour des matériels divers (quatrième de couverture, argumentaires – j'ai bien peur de devoir le dire – commerciaux), ce genre de trucs. En somme, ce sont des éléments de langage. Disons de la matière. Et à présent que je les reprends, voilà qui s'articule comme un ruban de texte qui aurait presque du sens. Un genre de poème sinueux. Hasard total. Voilà ce que j'ai noté, dans l'ordre ou je l'ai noté, sans sélection de ma part :

dire la vérité tout en riant

Et déjà la nuit sur la terre
s’apprêtait à jeter ses ombres et à semer le ciel d’étoiles.

Voilà
la vie d’un homme exempt des peines et des fardeaux de l’ambition.

arracher la peau sous laquelle chacun marche brillant
au grand jour, laid à l’intérieur

Approchez, approchez,
que je vous démontre que tous vous êtes fous, l’un après l’autre.

et tout ce qu’on peut déposer dans une oreille lézardée

Qui donc est libre ?

Dans l’effroi des forêts quand les fauves se cachent

mes nerfs sont illettrés,

La saison rude a resserré le ciel et dans les pluies,
dans les neiges s’abat au sol Jupiter.

et Rome qui s'écroule sous sa propre force !

l’heureuse évasion qu’ici je prophétise

moi qui peux réveiller les morts réduits en cendre,
et composer des philtres d’amour envoûtants,
pleurerais-je l’échec de mon art contre toi ?

Ose être sage,
commence !

Garde tes forces pour les talus, les fleuves, les bourbiers.

les honneurs, une douce aisance,
ou bien un chemin écarté, la voie d’une vie loin du monde ?

apprendre les cadences et les mesures de la vraie vie

Les songes, les terreurs magiques, les prodiges, les sorcières,
les lémures nocturnes et les sorts thessaliens te font-ils rire ?

l'apparence du bien nous abuse

Pourquoi ne pas s'en servir comme base pour quatrième de couverture un peu décalée ?