Carnet de bord, semaine 35 1 septembre 2019 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , , , ,

publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Cette fois ça y est, c'est la rentrée. D'accord, la semaine dernière c'était déjà la rentrée. La semaine d'avant aussi, quand on y pense. En fait, c'est la rentrée depuis grosso modo le mois d'avril. Mais là c'est vraiment genre vraiment la rentrée. Comment sait-on quand c'est ou quand ce n'est pas la rentrée ? Il suffit de regarder son fil d'actualité. Les émissions de radio reprennent aujourd'hui (pour parler des livres de la rentrée). Il y a une polémique autour du dernier livre de Yann Moix (notons qu'entre le moment où cette phrase a été écrite et la publication de ce billet, une autre polémique autour de Yann Moix est venue comme le veut la formule enflammer les débats (sic), notons aussi que cette phrase marche aussi bien pour la rentrée que pour n'importe quel autre moment dans l'année où il convient de faire parler d'un livre par d'autre biais qu'en parlant de lui-même, après tout c'est une technique comme une autre et qui sommes-nous pour nous en moquer ? ce n'est pas le genre de la maison).

Le saviez-vous ? En latin, la RENTRÉE LITTÉRAIRE™ se dit Yannmoixcircus.

Et puis, c'est aujourd'hui que se débloquent les ventes Hachette, atones encore la semaine dernière. C'est bien simple, en un week-end nous avons reçu plus de commandes libraires que les trois premières semaines d'août réunies. Derrière, ce sera passer un certain temps dans des logiciels antédiluviens pour convertir des trucs en autres trucs encore (et le moins qu'on puisse dire de cette séance de trucs, c'est qu'on en ressort bien bredouilles). Vient ensuite l'écriture d'un genre de courrier qui doit être doté d'une signature manuscrite. Pourquoi ? On ne saura pas. Moi dans un mail : s'il le faut, j'écrirai à la plume d'oie. Car qui sait quel genre de plaie d'Egypte je vais encore déclencher si je déroge à cette administrative injonction...

 

mardi

Maintenant, pour envoyer un mail, ça prend mille ans. C'est sans doute provisoire. Mais, même provisoire, mille ans pour envoyer un mail, c'est long. Les épreuves de Riposte digitale, elles, ont mis moins de mille ans pour arriver. Good. Je les envoie pour nos dernières relectures, après avoir constaté une bizarrerie d'impression sur l'un de ces exemplaires (ce sera donc mon exemplaire), avec des signes cabalistiques et des code-barres sur la page, des flèches. Ce n'est pas vilain. C'est un genre d'édition techno-industriel. Que d'innovation chez publie.net ! Fort heureusement, c'est une épreuve et non un exemplaire final à destination d'un client. Mais que se serait-il passé si le livre avait été reçu par un libraire, donc sans passer entre nos mains et sans qu'on puisse le vérifier ? Il aurait pu râler (il aurait eu raison), ou bien tout simplement se dire que c'était dû à la POD et que, dans les livres POD, il y a des flèches, ce qui est, en soi, gênant. Mais ça, c'est avant notre point téléphonique avec Julie : même si les commandes de la rentrée ne sont pas exactement aussi nombreuses qu'on aurait pu le souhaiter, l'un des points positifs est que les libraires qui nous suivent nous suivent sur les trois titres de la rentrée, et non seulement un pioché ici ou là. C'était un peu la tendance des années précédentes, et l'ouverture aux retours a permis ça. En soi, ce n'est pas suffisant, mais on peut se dire que c'est encourageant pour la suite. Là, l'un des libraires préfère qu'on lui envoie des extraits des livres en PDF plutôt qu'un SP pour limiter le nombre d'envois papier, coûteux pour nous, volumineux en librairie. C'est ce qu'on appelle, dans le langage fleuri de l'entreprise, une win-win situation.

 

mercredi

D'un côté, il y a les relectures de l'épreuve de Riposte digitale, de l'autre la reprise des corrections sur Barbe bleue. Le texte est plus fluide à présent, la métamorphose est toujours en train de se faire, ce qui rend le texte dans cette version-là d'autant plus sensible. Parfois, l'auteure n'est pas d'accord avec mes retours et c'est très bien en soi, aussi. Parce que ça fait naître chez elle une expression que je trouve assez importante dans nos séries d'échanges : j'y tiens. Or, ce n'est pas forcément évident de se dire (parce que là, il est question surtout de se le formuler à soi-même avant tout, je ne suis que le messager dans l'histoire) j'y tiens. Des fois, on tiens à des trucs sans savoir qu'on y tient. D'autres fois, on pensait être attaché particulièrement à un passage en particulier, à une thématique, un rythme de phrase, et c'est pourtant tout naturellement qu'on l'abandonne. En réalité, on n'y tenait pas tant que ça. Et puis, littéralement, je trouve l'expression juste, j'y tiens, comme quand on s'interroge : est-ce que le texte tient ? En ce qui concerne Barbe bleue, je crois qu'on peut dire que l'équilibre est pratiquement trouvé, oui.

Échanges avec Franck Queyraud, qui boucle son ouvrage collectif sur la littérature numérique en bibliothèque à paraître en fin d'année aux Presses de l'ENSSIB, sur la question des œuvres web et de leur pérennité. Comme aux autres contributeurs du livre, il m'a demandé de lui citer quelques œuvres numériques majeures, et la plupart des exemples que j'avais en tête ne sont désormais plus accessibles. C'est le cas du site de Cécile Portier, Étant donnéeC'est le cas du web-livre collectif de feues les éditions Walrus, Radius. C'est le cas du GEnove web de Benoît Vincent (qui lui s'est métamorphosé en livre papier, vous pouvez donc le lire quand même). Des sites comme Étant donnée ou GEnove ont pu être archivés par le dépôt légal du web. Et puis il y a aussi la web-machine à remonter le temps (sauf que dès que ça concerne des sites un peu complexes au niveau de l'interface, le principe de la capture des pages est bancal). Mais pour des œuvres nécessitant des comptes utilisateurs, comme Radius, c'est plus compliqué. Même chose d'ailleurs concernant la notion de versions, et Franck m'écrit :

Je montre souvent en formation, le nombre de modifications qu'a subi le Après le livre de François [Bon]... entre son site et ses différentes versions. Laquelle est la bonne ? Toutes et aucune ? Comment nous conservons ? Comment nous mettons à disposition ?

Derrière, par hasard presque mais ça aurait pu faire l'objet d'une de mes recommandations en la matière, je découvrirai le travail mené par Amira Hanafi et Youssef Faltas sur A Dictionary of the Revolution (un dictionnaire de la révolution égyptienne). Ça se présente sous la forme d'un site web magnifique qui a su articuler de la façon la plus juste qui soit, grâce à un sens du design assez bluffant, l'interconnexion des mots clés. Le projet semble avoir démarré aux alentours de 2013, le site est actif depuis 2015. Comment va-t-il vieillir ? Quelle est sa durée de vie ? Dans combien de temps faudra-t-il le mettre aux normes à venir du web de demain ? Combien de temps un auteur peut-il, peut-elle, porter un objet éditorial aussi complexe qu'un site dans l'écosystème aléatoire numérique ? Et est-ce son rôle à elle ou lui seul.e ?

jeudi

Reprendre le contrôle de la production de nos notices (comprendre, de nos métadonnées pour les bibliothèques), c'est un peu arpenter les couloirs de la maison qui rend fou, et parfois on tombe sur des recommandations telles que :

Si on emploie func_bretagne pour importer dans une base de type Bretagne, pour échanger entre bases bretonnes, tout se passe très bien, car ce script a été conçu pour cet environnement-là. Si on emploie ce script pour importer à partir d’une base Bretagne dans une base non bretonne, des dysfonctionnements sont possibles. En effet, si la source est en Unimarc Bretagne, le contenu des champs personnalisables sera importé même si votre base n’est pas bretonne. Il risque donc d’y avoir un conflit entre ces champs et les (futurs) champs personnalisables de votre base...

Nos bases sont-elles bretonnes ? Parlent-elles le breton ? Quel breton d'ailleurs ? Y a-t-il plusieurs bretons dans l'univers biblioéconomique ? Y a-t-il des points de convergence entre elles ? Où peut-on immatriculer une galère ? Une galère bretonne ? Une galère de notices en tout cas. Mais si j'écris à Philippe dans un mail Je pense avoir compris ce qui merde... c'est qu'on doit être sur le point de trouver la solution (on y croit !). Pendant que Roxane bûche sur la couverture du recueil de Fabrizia Ramondino (hashtag images de végétation méditerranéenne chaotique, hashtag friche méditerranéenne fatiguée, voir deux pistes de couverture possibles ci-dessous, visuel et quatrième non définitifs), j'en relis la V1, loin de toute forme de végétation, de chaos, de friche ou de Méditerranée en réalité. Je termine également la relecture des épreuves de Riposte digitale, et mes notes (forestières) prennent la forme de petits schémas dans un carnet qu'il faudra que je traduise demain en mots.

vendredi

Je lis rarement les présentations qui accompagnent les manuscrits qu'on nous envoie. D'abord, parce qu'elles souvent mal conçues (ce que je conçois pour le coup tout à fait, ce n'est pas évident du tout de savoir se vendre auprès d'autrui, qui plus est dans une forme de relation aussi verticale et aveugle qu'un envoi à un éditeur). La plupart du temps, ces présentations ne me donnent pas envie de lire le texte en question, elles me donnent précisément envie de lire autre chose (ou de ne rien lire du tout). Parfois aussi, il n'y a aucune présentation, voire pas de contenu du tout au mail (un message vide avec une pièce jointe, mais qui aurait envie d'être contacté de cette façon ?). Les présentations, généralement, j'y reviens quand, pendant la lecture, je ne comprends pas ce que je lis. Là, seulement, je peux me dire ah oui, ça parle de ça. Ça a l'air loufoque dit comme ça mais je peux vous assurer que ça arrive souvent. Ou bien alors des présentations très bien faites mais qui ne correspondent pas du tout au texte qu'elles sont censées vendre. C'est évidemment plus facile quand les textes proviennent de quelqu'un qu'on connait (pas nécessairement de quelqu'un qu'on connait dans la vie, mais qu'on a déjà lu). Dans cette situation, on saisit tout de suite dans quel genre on se trouve, dans quel univers, quelle est la langue, d'où vient-elle, et vers quoi ça penche. En réalité, quand c'est un ou une inconnu.e qui nous envoie quelque chose, j'aimerais autant que la personne ne me dise pas de quoi parle le récit (si c'est un récit) mais plutôt des informations qu'on ne penserait jamais donner à qui que ce soit, des genres de métadonnées (nous y revoilà) du manuscrit. Par exemple, ça ne m'est pas très utile de savoir combien de mots ou de signes il comporte. Ça, n'importe quel traitement de texte me le dira. En revanche, j'aimerais savoir combien de ces mots (ou de ces signes) la personne a supprimés par rapport à son premier jet (ou, du moins, un ordre de grandeur). Ou encore, de quelle version s'agit-il ? De la même façon, je ne cherche pas nécessairement à connaître les références des uns et des autres. Ça, à la lecture, la plupart du temps (parfois à tort), ça transparait. Mais pourquoi ne pas préciser qui on lit en ce moment, ces dernières semaines, ces derniers mois ? Parfois, le plus sérieusement du monde, on m'écrit ou on me dit : je ne lis pas, ça risque de m'influencer. Imaginons un chef cuisinier dire ça : je ne mange pas, ça risque de m'influencer. C'est la mort assurée.