Carnet de bord 2019, semaine 25 23 juin 2019 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , , , , ,

publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Bonne résolution du jour : tâcher de terminer cette semaine tout un tas de corvées chronophages au possible, genre gérer les envois de catalogues et faire l'inventaire promis en semaine 14 (comme le temps passe). On y croit tous. Mais d'abord, clore enfin le Marché de la poésie en finalisant la facture correspondante pour un total de 59 livres et de 934,92€ TTC. Avant d'en arriver là, il a fallu compter et recompter tout un tas de trucs (des sommes immatérielles, des billets bien réels, des pièces, des totaux, des sous-totaux, des sous-sous-totaux), notre vente fantôme de la semaine dernière enfin tombée, et il a fallu se confronter à tous ces petits moments au cours d'un salon où on se dit oh, on peut faire les choses comme ça, je suis sûr qu'on comprendra ensuite mais non, on ne comprend pas, je veux dire par là on ne comprend pas comptablement ce qu'on a fait (c'est tout un art de comprendre comptablement les choses ; de toute évidence ce n'est pas le mien) et il a fallu enlever les exemplaires d'un de ses livres achetés par l'auteur (qui apparaissent sur les totaux du terminal mais qui sont liés à une autre facture), ainsi qu'un livre de l'éditeur avec qui nous partagions le stand, qui n'avait pas de terminal carte bleue (et alors là pour la compta bonjour). Mais c'est bon, on retombe sur nos pattes, à un ou deux euros prêts, on dira que c'est une erreur de caisse (il paraît que ça se dit). Mine de rien, c'est notre meilleur score au Marché. Comparativement à l'année dernière, nous avons même réalisé une progression de presque 50% (il paraît que ça se fait de parler en pourcents). L'opération globale (coût du stand, coût de l'impression des livres, des transports des uns et des autres, sans même parler du temps de présence de chacun) est quand même plus difficile à rentabiliser, mais disons que ça ne nous a (presque) rien coûté, et on préfèrera se focaliser sur des moments comme, par exemple, nos traditionnelles lectures au Luxembourg, par exemple ici immortalisés par Mathilde Roux :

Pas vraiment le temps de souffler, il faut se remettre à Paysage augmenté et déposer les métadonnées auprès d'Hachette et c'est une série de dilemmes. Pourquoi ? Parce que c'est inclassable. C'est assurément un livre de poésie, mais c'est aussi, sous un certain angle, un genre de récit d'anticipation. C'est également un livre sur le territoire et le voyage mais ça n'a rien d'un récit de voyage au sens où l'entend la profession. Enfin, c'est quelque part un roman graphique mais ce n'est pas un roman graphique pour autant. Je crois que traditionnellement, on dit de ce genre de livre que c'est un OVNI, ce qui serait tout aussi cliché que de dire que c'est jubilatoire (ça ne l'est pas, c'est juste beau, pas au sens ou ce ne serait que beau mais dans le sens c'est juste ET beau). D'où mes tâtonnements. Mais il est déjà l'heure pour moi de retrouver un auteur au café voisin pour aborder cette phase absolument cruciale et jouissive dans la vie d'un livre : celle où on le déploie sur une petite table ronde, entre deux verres, pour tenter de prédire ses métamorphoses à venir et dans quelle direction on pourra (ou non) aller ensemble. Et là, le mot qui est le plus important, c'est ensemble. Réel plaisir que de déconstruire, reconstruire, déformer minutieusement (et doucement) un texte qui se cherche encore, et qui n'est pas encore un livre. Je n'en dis pas plus, et je ne dis pas de qui il s'agit, il me semble que c'est tôt (trop) mais je peux dire une chose : à cause de moi, son carnet (de bord ?) est taché au jus d'abricot.

mardi

Julie m'envoie un mail à 10h41 : 11h ok ? C'est pour notre point téléphonique hebdomadaire et moi, bien sûr, je réponds oui. Mais 19 minutes plus tard (qu'est-ce que c'est au fond que 19 minutes dans une vie ?), mon téléphone sonne et là je me dis mais qui peut bien m'appeler maintenant, c'est fou. Ça ne l'est pas. J'ai juste expérimenté un genre de vertige temporel étrange, et j'avais tout oublié de ce rendez-vous pris à peine 19 minutes auparavant. Mais ça ne s'arrête pas là. Par exemple on se dit, faisant le point pour la première fois depuis le marché et depuis notre escapade à Lourdes, que c'était il y a bien peu de temps tout ça ; pour autant, nous avons l'impression que c'était il y a des mois. Il doit donc y avoir un genre de tornade temporelle à l'œuvre entre ici-même et Lourdes et on est en plein dedans. Déphasés, voilà le mot que je cherche (on l'est). Mais ce n'est pas de ça dont je voulais parler. Moi, je voulais parler d'une lutte à mort entre l'homme et la machine (rien que ça), j'y viens. Mais d'abord, un peu de Riposte digitale, dont c'est déjà la V2 du texte mis en page, et qui bouge encore. Alors c'est une séance de billard à trois bandes avec Olivier Le Deuff (qui est capable de mettre une citation de Jean-Jacques Goldman en préambule d'une de ses parties, on devrait lui donner un prix juste pour ça), Roxane et moi. Et on espère pouvoir s'y retrouver malgré les différents allers-retours (il y a pourtant un moment clé où je dirai arg et aussi ><, ça n'est jamais bon signe de dire arg ou ><). Puis après un échange Skype très fécond avec Jean-Paul Thomin, qui s'occupe du webzine Mammouth numérique (!), j'en viens à mes histoires d'homme et de machine. Bon, l'homme, c'est facile, c'est votre serviteur. La machine, c'est l'imprimante qui me servira à imprimer mes étiquettes pour les envois de catalogues aux libraires mais aussi les enveloppes. J'ai sous la main dix paquets de vingt-cinq enveloppes A5 et il convient d'imprimer directement sur ces enveloppes l'adresse de la maison. Pour le contrat qu'on vise à la Poste, l'adresse doit être en haut à gauche dessus et non pas au verso (ce que j'avais fait je crois la première année). Plutôt que d'imprimer des étiquettes et de coller 250 fois la même étiquette sur mes enveloppes (ce que je ferai de toute façon pour les adresses destinataires), mieux vaut imprimer l'enveloppe elle-même, sinon c'est la dépression assurée. Alors me voilà donc au cul de l'imprimante (le format A5 s'imprime à cul, ne me demandez pas pourquoi, c'est un bac spécial, c'est comme ça), à alimenter la machine en papier, je veux dire en enveloppes, car bien sûr le bac A5, qu'on appellera pudiquement l'arrière-bac, est assez maigre en capacité, il peut en prendre une douzaine à chaque fois, pas plus. C'est une question de timing, aussi, parce que si on attend trop pour le charger, il faut aller sélectionner l'arrière-bac à chaque fois dans les paramètres de l'imprimante. Mais si on l'alimente trop tôt, catastrophe, là tout s'enraye, elle a tendance à prendre le lot entier, et alors ça se bouche, ça se grippe, et bim, c'est le bourrage papier. Il faut alors ouvrir tout ça, mettre les mains dans l'encre et/ou le cambouis, arracher des petits confettis de kraft, maudire le monde, et vous comprenez donc ce que j'entendais par l'homme contre la machine : il faut s'accrocher, se faire secouer, secouer soi-même l'engin, pester, re-pester, tirer sur des trucs qui résistent, avancer centimètre par centimètre, vérifier quinze fois de suite qu'on a bien tout débranché, puis voir la machine s'éloigner et disparaître dans un maelström bouillonnant, où les éclats odorants de cèdre dansèrent une ronde effrénée pendant un moment comme une noix de muscade râpée dans un bol de punch vivement remué et... Ah non, au temps pour moi, ce n'est pas le Carnet de bord, ça, c'est Moby Dick.

mercredi

Les catalogues arrivent en fin de matinée après que j'ai préparé les enveloppes (imprimées hier, certes, mais sur lesquelles il a fallu coller les étiquettes comportant les adresses des libraires ce matin). C'est lourd, c'est plein de papier de bourrage, mais c'est beau. Je veux dire, les catalogues le sont. Avec la belle couverture qui provient des travaux de Mathilde pour Paysage augmenté. L'étape suivante, ce sera plus tard dans la journée et elle consiste à glisser. Glisser un papier préalablement imprimée à un endroit bien précis du catalogue, puis glisser ledit catalogue dans l'enveloppe (double-glisser donc), la refermer, la déposer dans l'un des cartons (un pour Paris / petite couronne, l'autre pour le reste du monde), et répéter l'opération 250 fois. Entre-temps, il y aura la préface des poèmes de Fabrizia Ramondino à relire mais aussi revenir sur Riposte digitale, dépenser X de mana pour invoquer la créature légendaire Grévisse pour une incertitude grammaticale, mentionner que certaines formulations sont un brin "ceinture et bretelles" à mes yeux puis s'interroger sur ce qu'est ou n'est pas une copule. On en apprend tous les jours. Ensuite, passer chez Philippe déposer la cagnotte du Marché (j'ai l'impression d'être un convoyeur de fonds, de petits fonds d'accord, mais de fonds néanmoins), qui aura la lourde tâche de déposer le liquide à la banque en renseignant chaque pièce (et le nombre d'exemplaires correspondant), chaque billet, etc.

 

 

jeudi

Catalogues, suite. Je ne sais pas ce que j'ai fait dans l'impression des étiquettes, ou dans la confection du fichier nécessaire à l'impression des étiquettes, mais ça ne colle pas. La bonne nouvelle dans l'histoire, c'est que je m'en suis rendu compte avant de tout apporter à la Poste. La mauvaise, c'est qu'il me faut maintenant pointer chaque enveloppe et la comparer avec le fichier de base pour voir s'il s'agit bien, déjà, d'une bonne adresse, mais aussi pour déduire lesquelles sont manquantes. Une vingtaine. Ce n'est rien, ça, une vingtaine. Mais avant de comprendre lesquelles sont ces 20, il faut passer en revue l'ensemble des 250. C'est comme ça. Et j'y arrive. Mais c'est du temps perdu. Surtout, je ne comprends pas réellement à quel moment l'erreur s'est produite (mauvaise base de données interrogées par le fichier des étiquettes ? feuille non sortie à l'impression ? mystère). Raison pour laquelle je ne pourrais pas poster le tout aujourd'hui comme initialement prévu, ça attendra demain. Pendant ce temps, plus au sud, Roxane poursuit son travail de mis en page sur Horace et commence également à planifier la construction de la version numérique, qui s'annonce complexe, pas seulement à cause des drôles de bestioles qu'on y trouve...

 

vendredi

Cette fois ça y est, c'est bon, les catalogues sont partis. Avant d'en arriver là, c'est très simple : rendez-vous avec le guichet pro de la Poste voisine, signature d'un contrat pour les envois vers Paris et la Petite couronne, achat de timbres qui ont des têtes de statues de femmes (la dernière fois c'était de la porcelaine de Limoges), collage desdits timbres sur les envois vers la Province, dépôt des catalogues bien rangés dans des bacs en plastique et voilà qui clôture l'arc narratif des catalogues ouvert il y a quelques semaines. Reprise également d'Amnésie du présent, avec un problème de guillemets à élucider. Et surtout cette citation sur laquelle on n'arrêtera pas de revenir :

« Il y a dans tout poème — ai-je écrit quelque part — une bouche obscure, muette, qui compte. Et ce qu’elle compte, c’est l’irréversible qui revient. Elle dit ce qui est là et n’y est pas, ce qui s’éloigne, ce qui s’approche. Elle est la bouche du présent. »

Or moi, cette semaine, j'ai eu l'impression de passer mon temps à compter, le plus souvent plusieurs fois vu que je tombais toujours sur des chiffres différents : les revenus du Marché de la poésie, ce qu'il restait en caisse, les ventes sur des tableurs ou des rapports d'application, les mails en retard, les enveloppes pour ce mailing, les étiquettes sur les enveloppes, les catalogues dans ces enveloppes, les timbres qui me restaient à mesure qu'ils s'échappent, ces enveloppes à nouveau une fois que tout est prêt à être déposé en envoyé au loin : allez, bon vent, ils s'en vont à la rencontre des libraires qui (du moins l'espère-t-on) ne les jetteront pas avec le tout venant publicitaire car ils sont doux et beaux !