L’histoire commence toujours après la fin : on le sait bien. C’est donc au lendemain que commence la pièce : lendemain de fête et de liesse, 13 juillet 1998, un pays célèbre une victoire sportive comme jadis une conquête militaire, dans l’illusion d’une union qu’on prétend sacrée. Sadwell Hall, lui, a choisi cette nuit pour disparaître. On est le lendemain de ce mystère autour duquel s’agrègent les énigmes, et d’abord celle-ci : qui est-il ? On sait seulement qu’il a disparu, et cela suffit pour commencer l’histoire.
Lendemain s’ouvre comme une enquête policière, mais c’est une fausse piste – c’est d’autres disparitions qui surtout ouvriront la pièce en mille directions. Les repères se brouillent, et ce décor de récit policier se révèle bientôt pour ce qu’il est : un décor pour des figures en attente d’une histoire, des ombres pleines de nous-mêmes, tout un théâtre qui se replie sur notre présent.
Dans cette course ample à travers les deux dernières décennies, Joseph Danan dessine une généalogie de nos secousses présentes, ces terreurs et ces joies qui signent notre appartenance à ces jours, où les Coupes du Monde de football sont nos événements historiques, qui scandent désormais notre rapport au temps presque autant que des attentats : où depuis vingt ans, rien ne semble avoir eu lieu que cette imminence dont le texte porte la charge et qu’il accomplit.
Et dans l’écriture qui vient porter le fer aux conventions, sociales, politiques, théâtrales, une manière à la fois de s’affronter au présent, et un geste qui voudrait déborder notre époque par elle-même. Puis dans ce geste, on entend ce qui sourd, est latent, tacite, un soulèvement possible (et face au refus de faire « miroiter les différentes facettes du cauchemar », une façon de le dévisager, de lui faire face, aussi).
« Toujours nous serons les habitants de ce lendemain / inhabitable », dit l’Auteur dans la cinquième partie de la pièce – peut-être faut-il le croire, et venir peupler ce qui se lève autour de nous à mesure que, lisant, nous faisons l’exploration de ce temps impossible qui est le nôtre.
Arnaud Maïsetti
Préface de Jean-Pierre Ryngaert.
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S’il s’est essayé à tous les genres, y compris, jadis, le cinéma, alternant régulièrement écriture dramatique, romanesque et poétique, Joseph Danan s’est progressivement consacré, de manière dominante, au théâtre. Dramaturge pendant une longue période aux côtés d’Alain Bézu, fondateur du Théâtre des 2 Rives, Centre Dramatique de Haute-Normandie, il est également Professeur à l’Institut d’Études théâtrales (Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et a publié des essais théoriques et de nombreux articles sur la dramaturgie contemporaine. Ses pièces ont été créées par Alain Bézu, mais aussi par Jacques Kraemer, Joël Jouanneau, Jacques Bonnaffé et bien d’autres, en France et au Portugal. Lendemain est une somme, du moins la considère-t-il comme telle, dont l’écriture se sera étendue sur sept ans, de 1998 à 2005.
Du même auteur
Théâtre
L’Éveil des ténèbres, Médianes, 1993
Passage des lys, Théâtre Ouvert, “Tapuscrits”, 1994
L’Enfance de Mickey, Médianes, 1997
Display, in Cahiers de la Comédie Française, n°35, printemps 2000
Cinéma, Lansman, 2001
Sous l’écran silencieux, Lansman, 2002
R. S/Z. Impromptu Spectre, Théâtre Ouvert, “Tapuscrits”, 2002
Les Aventures d’Auren, le petit serial killer, Actes Sud – Papiers, “Heyoka Jeunesse”, 2003 [nelle éd. 2016]
Enquêtes du désir, trois pièces (La Nuit même, L’Enquête de ma vie, Les Amants imparfaits), Lansman, 2003
Roaming monde, Les Éditions de la gare, Gare au théâtre, 2005
L’Art de la fuite, in La Baignoire et les deux chaises (collectif), Éditions de l’Amandier, 2005
De la Révolution, Actes Sud – Papiers, 2007
Jojo le récidiviste, Actes Sud – Papiers, “Heyoka Jeunesse”, 2007
illusion.com, œuvre numérique en collaboration avec Eli Commins, Emmanuel Guez et Sabine Revillet, Centre National des Écritures du Spectacle, 2009, http://sonde0409.xooit.fr/index.php
À la poursuite de l’oiseau du sommeil, Actes Sud – Papiers, “Heyoka Jeunesse”, 2010
L’homme qui (ne) voulait (pas) être sage, in Métiers de nuit (collectif), Lansman, 2012
Le Théâtre des papas, Actes Sud – Papiers, “Heyoka Jeunesse”, 2015
Sur la terre moins qu’au ciel, in Patchwork #8, printemps-été 2016
Romans
Déplacements incertains, Jonas, 1987
Allégeance, Gallimard, “L’Infini”, 1992
Avant que la mort te ravisse, roman, L. Mauguin, 1997
La Vie obscure, Éditions du Paquebot, 2015
Poésie
Gammes, avec des dessins de Philippe Rouquette, L’Instant perpétuel, 1982
Les Papillons d’or, livre-puzzle en vingt-quatre exemplaires réalisé par François Righi, L’Instant perpétuel, 1984
Létales, L’Instant perpétuel, 1998
Les Pavillons d’os, avec des dessins de Henri Cueco, L’Instant perpétuel, 2003
Vortex, suite montréalaise, avec des dessins de Marc Petit, L’Instant perpétuel, 2004
A poème, L’Instant perpétuel, 2006
Chant des esprits sous la terre, in Fabrique de l’art #1, 2015
Essais
Le Théâtre de la pensée, essai, Médianes, 1995
Éléments pour une histoire du texte de théâtre, en collaboration avec Jean-Pierre Ryngaert, Dunod, 1997
Qu’est-ce que la dramaturgie ?, Actes Sud – Papiers, “Apprendre”, 2010
L’Atelier d’écriture théâtrale, en collaboration avec Jean-Pierre Sarrazac, Actes Sud – Papiers, “Apprendre”, 2012
Entre théâtre et performance : la question du texte, Actes Sud – Papiers, “Apprendre”, 2013
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