Carnet de bord 2020, semaine 25 21 juin 2020 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : Ahmed Slama, Christophe Esnault, Daniel Bourrion, jean-yves fick, juliette mézenc, l'esquif, philippe éthuin, Sébastien Doubinsky, Stéphane Gantelet, virginie gautier
publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.
lundi
Ce week-end, le brise-lames était dans Libé. Que dis-je, le brise-lames, non, le Journal du brise-lames ! Et voici l'article que voilà (merci à Guillaume Lecaplain pour sa lecture) :
Vous êtes une boule à peu près rose et vous roulez sur un banc de pixels. Des sonorités étranges accompagnent votre itinéraire. Alors vous entendez la voix d’une femme vous parler d’un vieux bâtiment. Le Journal du brise-lames de Juliette Mézenc sort accompagné d’un jeu vidéo expérimental signé Stéphane Gantelet. L’objet est à la fois une façon d’explorer le texte avec sa souris et une excroissance numérique un rien hypnotique. Livre et jeu vidéo explorent l’histoire et la géographie du brise-lames de Sète, qui protège le port des assauts de la Méditerranée depuis 1821. Ils en font l’auteur d’un journal - «Je suis, à l’extrême sud de la ville, une sorte de frontière» - mais aussi le décor d’une narration et le support d’un épuisement de lieu. Si l’écriture de Mézenc se fait guide, c’est pour mieux nous perdre. «Eprouvez la réalité de ce seau à demi rempli d’eau, touchez cette truelle sur laquelle le béton est encore humide, passez la main sur la tapisserie en lambeaux, vous pouvez même en déchirer un morceau, ça vous fera un souvenir, une fois là-haut. Cette enfilade de pièces ne semble jamais finir mais passons.» G.Le.
Et puis c'est direction Bastille pour retrouver Julie, qui arrive de Lourdes, pour sa semaine de tournée parisienne. Je suis chargé comme un mulet (mais un mulet masqué), c'est que les catalogues pèsent (je l'ai déjà écrit quelque part, ça). En somme, ce que ça veut dire ici, c'est que c'est la semaine de vérité.
mardi
Je me demande ce que les choses qu'on se retrouve à écrire disent de nous à notre insu. Par exemple, par erreur, précisément ici, dans l'espace sanctifié du Carnet de bord (sic), j'ai d'abord écrit merdi et non mar. Cela peut vouloir dire plein de choses. La première, c'est que ce serait la merde (mais l'est-ce ?). La deuxième, c'est qu'on s'est cru mercredi avant l'heure (ça arrive). La troisième, c'est qu'on aimerait se trouver présentement au bord de la mer (ce qui n'est pas exclu). Autre chose : Roxane nous a envoyé l'autre jour une nouvelle version de la couverture dépliée de La comédie urbaine avec comme souvent plusieurs déclinaisons possibles, notamment dans les couleurs. Quand j'écris ici préférer X telle ou Y telle car autrement je crains pour la lisibilité du texte (sur la quatrième), est-ce que je dis en réalité que je considère le texte (par dessus le marché le mien) comme étant plus important que le graphisme ? J'espère que non. Enfin, quand je corresponds un moment avec un auteur pour tâcher de l'aiguiller dans la réécriture de son texte et que je parle en métaphore foireuse, qu'est-ce que je dis en sous-main ? Là, il est question de la progression du récit comme un lent cheminement vers la mer, une entrée progressive (ou brutale) dans les eaux. Pourquoi ? Je crois que j'ai ma réponse pour merdi. Mais ça ne m'aide pas beaucoup à avancer néanmoins, si ce n'est vers la mer du brise-lames, là encore, que dans le jeu on peut déplier.
mercredi
Les enveloppes commandées hier sont livrées aujourd'hui. Il y en a donc qui sont sur les starting blocks. Moi pas. Pour commencer, j'ai écrit tarting blocks au lieu de st. Ce n'est plus tout à fait dire la même chose. Ce n'est pas mon fournisseur habituel d'enveloppes qui a décidé depuis peu de fixer un minimum de commande : ciao. Ce ne sera donc pas ma taille habituelle non plus (22x26cm), quelque chose de plus petit ; ça marche aussi. Dans le carton ils offrent (c'est écrit en gros : OFFERT) un cutter. Avant de préciser juste en dessous : n'oubliez pas de nous évaluer avec le code promo GNAGNAGNA. Misère. Après avoir relu Robert Smith (le livre repensé par Daniel Bourrion pour parution début 2021 et non la personne), je relis le recueil de Christophe Esnault L'enfant poisson-chat qui paraîtra à l'automne (Christophe Esnault qui est notre voisin de presse dans Libé ai-je remarqué ce matin pour son livre Poète né chez Conspiration). En fait, j'arrive après la bataille car l'essentiel du boulot a été fait par Virginie Gautier et Jean-Yves Fick pour L'esquif (merci à elle, merci à lui !). Je peux donc me fondre et me plonger (c'est un recueil sur la pêche) dans la langue. C'est drôle, parfois torve. Il y a une étrangeté, une fragilité d'où nait l'écriture. Et, donc, on rit :
Ça arrivait très très rarement
Une fille dans ton appartement
« C’est quoi ces poissons dans ta baignoire ? »
En parlant de poissons et d'univers aquatique : c'est aujourd'hui la parution des Atlantes.
jeudi
J'ai envie de répondre amen à un mail. Ou plutôt, à quelqu'un derrière un mail. C'est Philippe Ethuin qui nous dit : Je pense qu'un livre pas trop cher est toujours plus facile à vendre qu'un livre cher. Amen, donc. Mais je le dis pas. J'essaye d'avancer, mais quoi que je fasse j'avance pas. Je recule même. S'occuper des relances presse dans un tableur avec des noms et des contacts, c'est littéralement revenir en arrière dans le temps et c'est pas trop bon. Pendant que tu passes ton temps à essayer de revenir à un autre point fixé en lui, le temps, l'autre, celui censé être présent, passe sans toi, et alors donc il se retrouve bien vite que c'est la fin de la journée et non plus le début (somme toute, le futur). Il y a quelques années, j'étais tombé sur Facebook sur une conversation d'éditeurs au sujet des relances (libraires ? presse ? les deux ?). L'un disait en substance : de toute façon, ça ne sert à rien (sous-entendu peut-être, je n'en fais pas ?). L'autre, au contraire : c'est le cœur de notre métier. À vous de vous faire un avis sur ces trucs. Entre-temps, une mauvaise nouvelle : un livre étranger dont nous souhaitions obtenir les droits tout particulièrement, et pour laquelle une proposition avait été acceptée par l'agent en charge des droits étrangers de lui nous est passé sous le nez. Quelqu'un a renchéri. Quelqu'un ou quelque chose ? C'est bien toujours fatalement quelqu'un, non ? On serait surpris. Là, on l'est. Déçu même. C'est vraiment un chouette livre. Et on ne peut à présent qu'espérer que ce livre qui verra le jour prochainement le verra dans la version que nous avons lue, tant le travail de la personne qui en a assuré la traduction le mérite.
vendredi
Ce qu'on fait en début de journée détermine-t-il notre journée dans son ensemble ? J'espère que non, car me voici à rechercher ceci sur le web : Wasabröd est une entreprise suédoise, fondée en 1919, qui fabrique du Pain croquant suédois, commercialisé sous la marque Wasa. Elle est le premier fabricant mondial de pain croustillant. Son siège social se trouve à Stockholm et les unités de production à Filipstad, Celle et Hamar. Arrivé au bout de mon paragraphe, je ne sais déjà plus pourquoi j'avais besoin de savoir ça. Mais je le sais. Et à présent il faut se dire que cette connaissance accrue de la situation des petits pains croustillants dans ce monde va m'aider (ou pas) à améliorer un manuscrit sen-si-ble-ment. Le reste de l'après-midi est passé entre des appels : là avec l'organisation d'un prix, là avec une bibliothèque intéressée pour un abonnement, là avec notre imprimeur pour (suspens) imprimer, là avec Roxane (ce n'est pas au téléphone mais qu'importe, dans l'énergie narrative du carnet de bord faisons que ça le soit) pour voir dans quelle direction aller pour la couverture du livre d'Ahmed Slama, ou là encore avec Julie pour faire le point sur sa tournée libraire finissante avant son retour demain. Une semaine de vérité, oui ; une bonne semaine, même.