Carnet de bord, semaine 39 29 septembre 2019 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : antonin crenn, Grégoire Bouillier, Joachim Séné, Katia Bouchoueva, mathilde roux, stéphanie benson, virginie gautier
publie.net, le feuilleton, à retrouver chaque semaine, par GV.
lundi
Rendez-vous téléphonique avec la personne en charge des éditeurs auprès d'un salon en région (c'est comme ça qu'on dit désormais) dont tout le monde ne cesse de nous répéter que c'est vraiment un évènement formidable. Je fais donc ce que je fais à chaque fois que c'est à moi d'appeler quelqu'un lors d'un rendez-vous téléphonique : j'attends l'heure H plus sept ou huit minutes consciencieusement, à regarder mon téléphone à plat sur mon bureau, n'ayant pas envie de passer pour un genre de maniaque de la ponctualité qui appelle les gens à l'heure dite, au moment précis où le chiffre frappe le méridien. Même chose quand je prépare une commande pour aller la poster d'ailleurs : je vérifie de façon compulsive que l'adresse est bien écrite sur l'enveloppe depuis le jour (les jours en réalité...) où j'ai réalisé devant la boîte aux lettres que j'avais omis de le faire, et que mon colis était vierge de destination (mais timbré néanmoins au bon poids). Pour l'heure, il est encore trop tôt (2020 c'est demain, mais 2020 c'est loin) pour nous positionner. Mais disons que les contacts sont pris. Et je me note dans mon agenda dématérialisé (car nous sommes la modernité même) la phrase, plusieurs semaines en aval : si pas de nouvelle de CAVIARDAAAAAAGE relancer doucement la personne. Derrière, c'est un autre rendez-vous, réel celui-là, qui s'enchaîne et je pars retrouver Joachim Chez Prosper où, là, le Cacolac n'est pas en promotion, quel dommage. De fil en aiguille en câble sous-marin, nous voilà à deviser sur Hh, c'est-à-dire donc L'homme heureux, sur lequel il travaille en ce moment même, preuve à l'appui, je le vois faire, je peux donc en témoigner ici, mais aussi de ses expérimentations APIesque (je ne sais pas si ça se dit) publiées sur remue : Orly, un genre de poème algorithmé pensé comme une ode aléatoire aux envols et aux atterrissages d'avions dans le ciel tourmenté (ou pas) de l'aéroport d'Orly et Je ne pouvais plus écrire, texte écrit pourtant, et traduit grâce à un réseau de neurones, comprendre en réalité une machine.
Nos soucis d'impression de la semaine dernière ne sont pas encore résolus et c'est Kafka X Un jour sans fin cette histoire : revivre sempiternellement la même journée, pris dans l'étau de la machine, là encore, industrielle cette fois.
mardi
Parfois, les hasards (et erreurs) d'impression sont belles. Là, dans l'épreuve sanguine de Pur sang, c'est une page un peu froissée, mais compressée sous le poids du livre, alors ça lui fait des nervures. Un peu plus loin, il y a un défaut sur une page noire, qui marque la séparation en fin de roman avec les pages de biographie et de présentation de la maison, une forme blanche prise dans de l'encre, insecte fossilisé et fondu au noir. Bien sûr, il vaudrait mieux s'abstenir qu'il y ait ce genre de faunes dans nos livres, mais une épreuve est aussi faite pour ça, et il n'est pas interdit de trouver ça beau. Y aura-t-il de nouvelles surprises dans nos livres en 2020 ? D'accord, 2020 c'est loin, mais en réalité c'est demain. Nous travaillons donc avec Roxane sur le planning des livres à paraître l'an prochain. Petit florilège de nos échanges hyper confidentiels : j'aimerais qu'on se tienne à cette date / peut-être que c'est pas plus mal en fait / on peut dire 11 / ça a du sens de / ok alors / c'est court mais je ne sais plus à quel point / que sais-je / ah oui je confonds / je note cette piste sur le planning / notre cœur de catalogue / impossible à vendre / il y a un super projet mais / c'est peut-être à noter / on a un ms qui est assez intéressant genre / il y a aussi la question des cantiques de Daniel qui est en fait liée au camembert de Daniel (cette phrase est bizarre) / le camembert n'est pas bientôt prêt ? / ah ben / ça va le faire. Pendant un moment, je me retrouverai à faire ce que passe son temps à tenter de faire M. De Mesmaeker dans Gaston Lagaffe : signer des contrats. Là, je réalise même qu'après X années de pratique assidue de l'application en ligne dont on se sert pour la signature des contrats (tout est dématérialisé chez publie.net, je vous avais dit qu'on était la modernité même) que je ne suis pas obligé de faire deux sessions différentes pour le même livre (une pour le contrat lui-même, une autre pour l'annexe) mais que je peux tout simplement déposer deux documents différents dans le même élan, d'un simple glisser-déposer. La vie n'est-elle pas merveilleuse ? Ne vais-je pas pouvoir gagner un temps précieux sur chaque contrat ? Mais oui ! Mais non. En fait, si je n'utilisais pas cette fonctionnalité sciemment, c'est que le temps de connexion sur ce site n'est ABSOLUMENT PAS ADAPTÉ AU REMPLISSAGE DES CAVIAR CONTRATS, ce qui fait qu'une fois que tu arrives au terme de tes deux documents enguirlandés l'un dans l'autre, le site te sort une erreur de session de la mort-moi-le-nœud (ce n'est pas une coquille, ceci est un jeu-de-mot-valise) qui fait que tu dois TOUT RECOMMENCER DEPUIS LE DÉBUT ! Du coup, me dis-je aujourd'hui, après l'avoir déjà constaté par le passé (puis aussitôt oublié semble-t-il), si je le grave en majuscules dans la mémoire du Carnet de bord, sans doute cette information-là va y rester.
mercredi
Alger céleste est dans la première sélection du Prix Révélation de poésie de la SGDL ! Alger céleste est dans la première sélection du Prix Révélation de poésie de la SGDL ! Alger céleste est dans la première sélection du Prix Révélation de poésie de la SGDL ! Air connu. Non, pas air connu ! On ne peut pas dire que ce soit une situation qui nous arrive souvent. Joie donc. Et il convient de surfer sur cette joie pendant au moins une partie de la journée, et se laisser couler avec. D'ailleurs, comment sait-on quand un texte sur lequel on travaille avec un auteur, ou une autrice, est prêt ? Là encore, quand ça coule. C'est donc très subjectif. Tout comme est subjective l'appréciation qu'on peut avoir d'un manuscrit, à différents moments de lecture. Le début de celui-ci, je l'avais trouvé très poussif il y a quelques jours quand je l'avais entamé. Et, derrière, j'étais peu motivé pour m'y remettre. C'est quand même un signe fort. Et puis là, le reprenant après l'avoir laissé reposer (et surtout m'être retrouvé occupé à autre chose), c'est différent, c'est prenant. Et on n'a plus envie de le lâcher (ce qui est, en soi, un autre signe fort, bien que contradictoire avec le précédent). Qu'en déduire ? Que le début du texte n'est pas bon mais que la suite oui ? On qu'on était soi pas dans les bonnes dispositions pour le lire la première fois ? Qu'on est comme qui dirait perturbé par l'environnement extérieur ? S'agissant du Prix Révélation de poésie de la SGDL, c'est sans doute le cas, et rendez-vous pris avec la deuxième sélection, du moins on l'espère.
jeudi
Le texte est prêt. Je parle de L'homme heureux. Je reprends le manuscrit une dernière fois (quelques traits d'union, deux trois coquilles et, non, correcteur embarqué, nous ne changerons pas muslim en musli...) en allant-venant entre la dernière version envoyée par Joachim hier (V6 !) et la précédente annotée par Philippe. En reprenant le fil des commentaires, je tombe sur celui-ci :
Les travaux en cours sont limités en terme de nombres de bits quantiques qu’ils peuvent maintenir sans décohérence (qui détruit la superposition des états nécessaires pour « combiner » deux bits quantiques). Mais cela reste intéressant d’explorer quels calculs pourraient se dérouler sur des calculateurs quantiques s’il en existait sans ces problèmes, et en particulier la façon dont certains problèmes intraitables en complexité ne le seraient plus. Pour le chiffrement, ce serait aussi le cas si l’hypothèse de Riemann généralisée se révelait fausse.
J'espère que vous suivez (moi non). Dans une note interne, j'essaye d'expliquer clairement à Roxane qu'à un endroit il conviendrait de couper les u non en quatre mais en deux, et je me souviens que le nouveau mot le plus long de la langue française n'est plus anticonstitutionnellement mais intergouvernementalisations (à moins que cyclotriméthylènetrinitramine mais il est dit que chimiquement ça ne compte pas). Puis il faut de nouveau s'enfoncer dans les métadonnées (qui reviennent par ailleurs comme thématique forte dans L'homme heureux), cette fois les métadonnées Hachette des prochains livres à paraître, et quelle n'est pas ma surprise quand je découvre dans quoi a été catégorisé le dernier tome d'Al Teatro, Pur Sang, loin des thrillers et diverses sous-catégories que j'avais déposées (ou que je crois avoir déposées ?) lors de la création du titre...
vendredi
L'autre jour, enfin il y a un certain temps maintenant, nous parlions de ces façons un peu éculées de concevoir la quatrième de couverture et de surventer (sic) en permanence le chef d'œuvre. Nous ne sommes pas à l'abri de tomber dans des raccourcis tels que ceux-ci (et, pour ce que j'en sais, nous nous y sommes peut-être déjà heurtés), mais c'est un problème aussi dans la presse. C'est le syndrome "jubilatoire" : ces sortes de chroniques sans estomac, qui la plupart du temps repompent le communiqué de l'éditeur, et dont les formules vides de sens finissent par ne plus rien vouloir dire du tout. Il y a un passage du Dossier M de Grégoire Bouillier qui touche à ce problème. C'est dans le livre 2, et si la chose ici s'applique aux critiques de film, on peut parfaitement l'appliquer au domaine littéraire :
Vous allez voir, dis-je. Les règles sont très simples. Je vais lire quelques coupures de presse et le premier qui trouve le film dont il s'agit a gagné. Tout le monde a compris ? Précision : il n'y a pas de piège, il ne s'agit pas d'obscurs petits films que personne n'a vu mais de films récents qui ont tenu l'affiche ou qui la tiennent encore et, en tous les cas, tout le monde est susceptible d'avoir vu ces films et, à tout le moins, d'en avoir entendu parler et vous êtes prêts ? Okay. De quel film s'agit-il si je dis, deux points ouvrez les guillemets : « Un film virtuose. » « Un chef-d'œuvre. » « Incontournable. » « Une pépite. » « Jubilatoire et addictif » « Coup de cœur. » « Immense. » « Passionnant. » « Magistral ! » « Des acteurs fabuleux. »
Alors ?
Une idée ?
Allons !
Il s'agit tout de même d'un « chef-d'œuvre ». D'une « pépite ». D'un film « immense », « jubilatoire et addictif » et tout bonnement « incontournable ». Bon dieu, les acteurs sont « fabuleux » dans ce film. Eh quoi, ce n'est pas n'importe quel film pour mériter pareil dithyrambe. Vous n'avez pas pu passer à côté. Impossible. C'est même presque trop facile.
Et ainsi de suite. Bien sûr, il ne faut pas généraliser, et tous les critiques littéraires ne mangent pas de ce pain-là, heureusement d'ailleurs mais, on ne va pas se mentir, avec la réduction comme peau de chagrin des comptes-rendus littéraires dans les grands quotidien, c'est la tendance du marché comme on dit sur les plateaux télé. Que faire dans ce cas ? Il y a bien sûr d'excellents chroniqueurs littéraires dans certains journaux qui subsistent, de belles émissions à la radio qui donnent une place à la littérature, des revues spécialisées de qualité, des sites de référence (notamment en poésie, qui n'a plus voix au chapitre nulle part dans la presse ou quasi). Mais il y a aussi de très fins lecteurs sur le web qui rédigent des chroniques ou des notes de lecture de qualité professionnelle. Et on n'est pas peu fier d'y parfois figurer : L'épaisseur du trait dans "La Viduité", Paysage augmenté dans "L'espadon", Village dans "La cause littéraire". Qu'ils en soient ici remerciés. Et vous, de quel site ou blog de lecture suivez-vous les recommandations ?
1 Commentaire
JS octobre 07, 2019 - 14:04
Pour aller plus loin sur l'hypothèse de Riemann :)
ça vient de sortir, petite vidéo de vulgarisation : https://www.youtube.com/watch?v=KvculWl-jhE