Ali et Ramazan, dans le Journal de Guillaume Vissac 29 novembre 2013 – Publié dans : La revue de presse, Notre actualité, Traduire – Mots-clés : , , , , , , ,

Guillaume Vissac, auteur du très fort Coup de tête, mais pas que, également traducteur — lecteur insatiable et inventeur d’Accident de personne, Qu’est-ce qu’un logement, et du Livre des peurs primaires, a lu Ali et Ramazan, écrit par Perihan Mağden et traduit par Canan Marasligil. Si vous voulez lire cet article sur son site, précipitez-vous, car Fuir est une pulsion. On ajoute que nous sommes très heureux du succès que rencontre ce livre, paru il y a un mois pile, et faisant partie de nos livres les plus téléchargés dernièrement. Une bonne nouvelle pour la littérature et la traduction, non ? — Notez que ce livre sera également disponible en version papier très prochainement.

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coverD’autres morts t’écrivent de longues lettres manuscrites qu’ils te font parvenir via l’entre-monde des rêves. Tu les comprends, t’apprêtes à y répondre. Pour une raison qui t’échappe, ces lettres sont écrites en anglais.

Tu es tellement laborieux quand tu écris un récit : tu galères. Malheureusement, ta méthode de travail ce serait de rater plusieurs fois et souvent et de tout réécrire par la suite. Pourtant, tu aimes t’imaginer le fil narratif des choses. Ton activité, ce serait donc de te raconter à toi-même un récit pour pouvoir te mettre en condition de l’écrire, c’est-à-dire de l’écrire à nouveau. De la même façon, en traduction, transcrire des phrases anglaises dans ta langue propre, éventuellement partager ce travail en le donnant à lire en ligne, mais ce n’est pas indispensable, cela correspondrait simplement à une manipulation personnelle du langage te permettant de te rendre la langue d’origine intelligible à toi-même (notons que cet exemple ne vaut pas seulement pour les textes écrits en langues étrangères).

Tu termines Ali et Ramazan, qui est un texte fort, avec un coup dans le plexus (« Après la raclée qu’il s’est prise, un nouveau Ramazan est né. Et si c’est une pute, et bien c’est une pute ! »). Le plexus est une métaphore. Le coup c’est autre chose. Mais quand même. Quelque part, c’est un conte. C’est un livre violent, la langue est élégante, fluide, sèche par moment, et il y a quelque chose comme un ton que tu aimes, un ton décontracté, un ton de je te parle, tu m’écoutes, je te prends par l’épaule et je te dis suis-moi.

Ramazan est dégoûté de lui-même ; mais il bande. Il a peur de ne pas pouvoir échapper à la bonne femme. Il n’a aucune idée de comment on leur parle, ni de comment on fait avec celles-là ? Il appuie sur un frein en lui ; pour une raison quelconque, il a peur d’être grossier et rude. Il est immobilisé, la fille lève à peine la tête qu’elle lui fourre la langue dans sa bouche !

Elle entraîne Ramazan dans une chambre. Elle ferme la porte à clé derrière eux. Elle se jette sur le lit. Elle commence à enlever le peu de vêtements qu’elle a sur elle, Ramazan est tellement dégoûté par l’odeur d’alcool dans la bouche de la fille, les odeurs d’alcool, de cigarette, de drogue qui émanent de tout son corps ; il a peur de vomir.

Il craint tellement de vomir de fatigue, de stupéfaction, de dégoût ; il saute sur la fille et se met à la baiser. Sans savoir ce qu’il fait. Automatiquement. Aussi parce qu’il a peur de la fille ; peur qu’elle pleure. Qu’elle crie. Qu’elle fasse des problèmes. Il pilote en automatique. Il la retourne. Comme ça, il ne voit pas son visage.

La fille crie tellement, de plaisir ou pour une autre putain de raison ; Ramazan éjacule à une vitesse qui pourrait lui faire honte. C’est la première fois que ça lui arrive de toute sa carrière !

« Allez, allez, allez ! Encore. Prends-moi ! » crie la fille en s’agitant sur le lit. Ramazan regarde avec horreur son visage, son corps. Vraiment, c’est comme une espèce d’animal qu’il voit pour la première fois de son existence. Comme si elle était sortie des profondeurs de la mer. Des marécages ; elle palpite et hurle tant !

Elle prend Ramazan en bouche. Ramazan veut couper sa bite et la jeter pour se débarrasser de la bouche de la fille. Parce qu’il a bandé, il veut la jeter à la mer du haut de l’embarcadère.

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