Carnet de bord 2020, semaine 44 1 novembre 2020 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Pour la deuxième année cette année, Livres Hebdo organise les Trophées de l'édition (sic). Il y a tout un tas de catégories ; personnellement, j'ai hâte de voir ce qui va sortir du trophée de l'innovation numérique (non) ou du trophée de l'innovation au confinement (on ne rit pas). Voici comment sont décrits ces trophées de papier : Livres Hebdo organise les 2èmes Trophées de l'édition, un événement exceptionnel pour récompenser les professionnels de l'édition qui, par leur excellence, leur audace  et leur créativité, contribuent à la pérennité et au rayonnement de la création éditoriale.  Il y a aussi un trophée plus classique de l'auteur de l'année. Là, on peut voter directement. Or donc voilà comment est décrite cette catégorie : Les personnalités nommées par la rédaction de Livres Hebdo au titre de l'auteur de l'année 2020, sont les auteurs français et les autrices françaises ayant publié un nouveau livre, et qui réalisent les meilleures ventes par segment (BD, littérature, pratique, essai et jeunesse) sur la période du 30 septembre 2019 au 27 septembre 2020, d’après les données GfK. On est désormais loin de l'excellence, de l'audace, de la créativité : le meilleur auteur est l'un de ceux qui vend le plus. On remarque par la liste communiquée qu'il y a quelques semaines, quand je disais ici-même qu'Emmanuel Carrère vendait moins que Cyril Lignac, ce n'était pas une boutade : Cyril Lignac est bien en lisse pour être l'auteur Livres Hebdo de l'année ! Ça en dit long sur Livres Hebdo ? Ça en dit en fait long sur les "grands" prix eux-mêmes qui, de fait, ne font que ça : passer leur temps à couronner des livres qui se vendent déjà pour pouvoir rappeler à la face du monde (or donc de personne, puisque tout le monde s'en fiche) à quel point ils sont prescripteurs. À quoi sert donc un tel trophée de l'édition, alors que les autres prix font déjà la même chose (mais, il est vrai, sans l'avouer frontalement) ? Probablement à récolter les données des votants, puisque c'est ce qui est demandé quand on cherche à participer :

Mention spéciale à Si vous êtes auteur merci d'écrire "AUTEUR".

mardi

En ce moment, je communique beaucoup. Communiquer au sens large. Envoyer des mailings à des libraires, à des journalistes, ou en contacter d'autres un par un, c'est communiquer. Organiser ce vrai-faux Marché de la poésie semaine dernière et poster du contenu pour l'alimenter, c'est communiquer. Mettre en place une rencontre virtuelle pour faire vivre les textes, et leurs auteur·es, c'est communiquer. Relayer ce que les médiateurs et journalistes, chroniqueurs et afficionados ont pu poster sur nos livres, c'est communiquer. Signaler une parution, c'est communiquer. Répondre à un manuscrit de façon argumentée, c'est communiquer. Répondre à des questions lors d'un entretien (deux demandes ces derniers jours, dont celui de Terre à ciel paru ce dimanche) et développer ces réponses, c'est communiquer. Avant toute chose, écrire ce carnet et le publier chaque semaine, c'est carrément communiquer. Ce faisant, je fais nettement moins par rapport à ce que je fais d'ordinaire, puisque je communique sur ce que je fais. Quand je communique sur ce que je fais, je ne fais donc pas ce que je dis que je fais quand je communique. Du coup, j'entre dans le domaine tangent de la fausse vérité. D'où l'expression communément admise, c'est de la com' qui signifie bien souvent, c'est du chiqué. Alors quoi, ce carnet de bord est-il un carnet Potemkine ? Je ne sais pas. Mais disons que ça m'éclaire sur ce qu'on peut voir quotidiennement dans d'autres sphères, sur d'autres sujets, dans d'autres médias. Et peut-être que celles et/ou ceux qui se sont succédés sur les plateaux télé ces dernières semaines pour prédire les évolutions de la pandémie (quelles qu'elles soient par ailleurs) en oubliant de considérer par exemple que l'automne il fait plus froid que l'été et plus froid en hiver qu'en automne, ont passé trop de temps à communiquer sur ce qu'ils faisaient sur les plateaux qu'à faire ce qu'ils disaient faire lorsqu'ils communiquaient. Mais peu importe, il est l'heure de communiquer de nouveau, c'est l'heure de notre point téléphonique avec Julie. Plus les semaines passent, et plus nous passons nous aussi plus de temps à parler moins de livres, de nouveautés, de parutions, de librairies, de relances, de factures, d'échéances que de contexte sanitaire. Les fameux, on verra ce qu'ils vont dire lors de leur point de demain, sauf que des points de demain il y en a des milliers, et qu'ils passent, eux aussi, leur temps à ça, communiquer. Mais pour dire quoi ? Là par exemple, hypothèses de reconfinement exclues c'est semble-t-il le rêve absolu des grands groupes éditoriaux industriels qui se matérialisent en cette année covidée : on augmente le plus possible la période de rentrée d'automne (qui a donc duré cette année de fin août à fin octobre avec le report d'X parutions du printemps chez bon nombre de gros), pour passer sans transition à Noël. Quand ? Maintenant. Car ça commence. Les gens ont peur d'un nouveau confinement alors la scène du panic buy de PQ dans les supermarchés du printemps se répète à l'échelle des cadeaux. Et toute la période généralement plus propice aux petits éditeurs pour vivre un peu entre deux raz de marée est, de fait, inondée. Nous voilà bien.

mercredi

Lapsus d'écriture révélateur : merde pdf et non merge. C'est un bon résumé de ma journée. Au lieu de converger, je dis merde, et me dis merde à moi. En fait, j'attends. La plupart des questions que je me pose, quelles que soient par ailleurs ces questions, trouvent leur réponse dans la phrase : voyons déjà ce qui est annoncé ce soir et puis on avisera. Facturer quelqu'un à trente jour ? Où serons-nous dans trente jours ? Et eux ? Faire un point sur des dépôts en cours ? Oui mais et si tout ferme encore ? Mettre l'agenda des rencontres à jour ? Mais y aura-t-il seulement des rencontres pour se tenir après qu'on les aura annoncées ? Envoyer des SP ? Et si les dates de sortie changent encore ? Écrire la newsletter de novembre ? Mais si novembre est confiné encore ? Etc., etc. De sorte qu'au fond, je ne fais que répondre à des questions simples, très simples, simplistes même : as-tu eu le temps de jeter un œil à mon manuscrit ? (et, la plupart du temps, la réponse est non). Et puis, fatalement, la rencontre interminable du mercredi soir hashtag marcon20h est lancée. La suite, on la connaît : reconfinement partiel (à supposer que ça ait du sens) avec fermeture des librairies. Réactions sur les réseaux : non, pas à quelques jours de l'annonce du Goncourt ! Puis : il faut sauver le livre et décaler l'annonce du Goncourt ! Consensus absolu pour venir au secours de la chaîne du livre. On a les priorités qu'on mérite.

 

jeudi

Qu'est-ce qui a changé par rapport au premier confinement du printemps ? Premier confinement du printemps : finir ses mails par prenez soin de vous. Deuxième (je n'ose déjà pas dire second, c'est un signe) confinement de l'automne : les finir cette fois par Belle journée (enfin autant que possible compte tenu du contexte ambiant). Il y a quand même une avancée. Une progression. Blague à part, me revoilà de nouveau plongé dans

a) les modifications de dernière minute de mon emploi du temps (nous ne nous verrons donc pas dans la vie, voyons-nous en distanciel) et

b) la lettre d'info de novembre, puisque par-dessus le marché novembre il y aura bien.

J'en suis précisément à blague à part. Après, je sèche. Le truc, c'est que fatalement dans un tel contexte rien ne semble avoir de sens. Appeler à soutenir qui que ce soit alors que tout le monde demande à être soutenu en même temps, ça n'a pas de sens. Des libraires s'en émeuvent d'ailleurs en demandant aux éditeurs d'arrêter de leur envoyer des mails catastrophes leur demandant de les sauver (ambiance). De la même façon, fermer les librairies comme commerces non-essentiels tout en laissant ouvert Amazon et (on croit rêver) les grandes surfaces culturelles, ça n'a pas de sens (et pourtant c'est en train de se produire ; sauf que non : gouvernement à la rescousse, les grandes surfaces culturelles et les grandes surfaces tout court n'auront tout simplement pas le droit de vendre de livres, et ce sera une victoire pour le syndicat de la librairie, on vous laisse méditer là-dessus).

Oui mais, dans l'autre sens, ça n'a pas plus de sens non plus : laisser les librairies ouvertes tout en confinant, mais alors en confinant quoi ? Ou qui ? De même, appeler en masse à ce que tous les clients viennent en masse le même jour au même moment, ça n'a pas de sens non plus, pourtant c'est ce que l'on voit fleurir un peu partout, et des photos fières de montrer des fils d'attente immenses en boutique, et donc la proximité des uns et des autres en espace clos, ça n'a pas de sens. Comment faire, donc ? Qui soutenir quand, comment ? C'est insoluble. Il faut nécessairement sauver, sauver, être sauvé. C'est alors que Christine m'envoie par mail quelques mots parmi lesquels ceux-ci : On y va on y croit on ne désespère pas. Contrairement à X mots cette semaine, il faut réaliser combien ce ne sont pas que des mots.

 

vendredi

Vendredi, respirons. Profitons même non du reconfinement comme on le lit parfois (profitez du confinement pour..., grmpf) mais des sans doute ultimes ventes Hachette avant le Mordor de novembre. Amazon mise sur HoraceL'empire savant s'exporte bien, la conséquence sans doute de la petite pastille diffusée sur le livre sur France24, que voici :

Et puis, c'est l'heure de mettre les premières pierres à notre recueil de référence à la gloire du Gypaète barbu (cf. épisode précédent). Première contribution, Philippe Aigrain :

À qui le tour maintenant ? Quant à la suite, c'est l'emballement par mail : vous trouverez en pièce jointe le bon de commande officiel pour notre abonnement.\o/ Puis, plus loin : la facturation sera à faire sous Chorus Pro. /o\ D'ailleurs il convient de faire une importante note à mon moi du futur pour la prochaine facture Chorus-pro-material : il faut inscrire une étoile dans le champ des services pour trouver la liste déroulante des services d'une administration et s'épargner d'essayer de deviner (et donc d'échouer) le bon acronyme pour le bon département. Une fois cette découverte effectuée, on peut en revenir à l'essentiel, à savoir : rechercher une facture plutôt que la déposer, puis créer une facture plutôt que la déposer et, enfin, déposer la facture au bon endroit et refaire la même manip pour la troisième (et dernière, ouf) fois. Maintenant que tout est fait et enregistré, tout va bien (non, tout ne va pas bien, le récépissé de dépôt de la facture est produit via une technologie web obsolète plus supportée par plusieurs navigateurs mais enfin passons, on est au-delà) : nous voilà prêt à laisser là de côté les joies de la bureaucratie pour en revenir à notre cœur de métier : la lecture  le dépôt de dossier pour une demande de subvention.