Dans nos villes, il existe des endroits à l’abri des regards qui sont destinés au dépôt de ce qui ne sert plus, objets trop usés ou inutiles. Le soir, il suffit de les déposer là, et le matin, ils ont été emportés. Les encombrants, ce pourrait être une allégorie, oui, mais de quoi ? De ce début de siècle, des corps que le monde juge inutiles et évacue, ou du théâtre lui-même ? Dans cette troisième pièce, JY. poursuit sa plongée dans les franges dissidentes de notre réel. Après l’érotique Jusqu’à ce que... et l’élégiaque Balivernes hivernales, c’est le troisième temps : celui politique des corps abandonnés dont la défaite n’a pas dit le dernier mot. Les figures qui hantent les deux premières pièces sont toujours là, et leurs ombres. Entre eux passent les encombrants : des corps étendus, abandonnés, à la surface desquels écrire. « Et cette heure venue / où la ligne est le reflet / de la vie définitive / qui s’impose par cœur... / au calepin se substitua l’alcool de santé / celui où se noie / la vie à l’eau de rose. » C’est un texte qui voudrait traverser l’abandon et l’alcool, la joie d’être un vivant sur le cadavre de l’époque. « Il faudrait de temps en temps, avec un peu d’entraînement, que l’homme croie savoir pourquoi il existe. » C’est une pièce enfin comme un crachat sur le théâtre, mais lancé avec tendresse, avec pitié, avec la férocité des doux, l’intransigeance des terribles. « Il ne manque point, parmi nous, aujourd’hui, de ces hommes qui ont le droit de se nommer sans-patrie, sans travail, sans lit, sans plus rien qui les greffe à l’élan de la vie. »
Arnaud Maïsetti
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