Je traduis Lucrèce, Philippe écrit, ce sont ses mots, « un roman post-apocalyptique dans lequel des survivants entrent en relation avec des robots tueurs qui sont devenus des personnes, et avec des plantes sauvages et cultivées ». Philippe voulait savoir comment concilier le matérialisme et l’animisme, Lucrèce et Ovide, mais sa curiosité ne s’arrêtait pas là. Ce à quoi il s’était ouvert et nous ouvrait, après la lecture de Par-delà nature et culture, de Philippe Descola, à quoi le roman doit beaucoup, et de bien d’autres ouvrages que vous découvrirez, parsemant la lecture, en notes, rejoignait ses pressentiments, ah ce regard d’avance qu’avait Philippe sur le monde : l’intelligence artificielle était une autre des questions principales d’aujourd’hui et de demain.
Longtemps après la lecture de Jachère, deux images résistent, demeurent, et je sais que cela plairait à Philippe de le savoir : les courbettes et révérences des monstres tueurs devenus alliés imprévisibles, cette douceur, et la science des plantes, comment naît le riz, le soja, comment on cueille orties, pissenlits, pâquerettes, bourrache, oseille sauvage, mâche, plantain, onagres, crosses de fougères, que sais-je encore. La douceur, encore, de cette ordonnance du monde, ou plutôt, de cette recréation du monde. |
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