Carnet de bord 2021, semaine 15 18 avril 2021 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Pour célébrer les 60 ans ce jour de la mission Vostok de Youri Gagarine je me retrouve à travailler sur La vie de l'espace, le prochain volume du Cycle de la nature de Maeterlinck, lequel par ailleurs dans un autre opus (hors du cycle en question) a écrit :

L'univers existant depuis toujours et étant infini dans l'espace et le temps, il est inévitable que des milliers de mondes peuplés de créatures analogues ou supérieures à  ce que nous sommes ont dû s'y former. Leurs corps décomposés ont rendu leurs atomes à l'espace ; mais, puisque rien ne peut se perdre, que sont devenus leurs esprits ? Où se sont-ils amassés, que font-ils, à quoi ont-ils servi, à quoi servent-ils et pourquoi n'en savons-nous rien ? Ne sont-ils que des atomes égarés comme les autres ?

Ce livre, quant à lui, se déroule dans des espaces qui nous sont encore inconnus, dans des espaces extérieurs au nôtre, et vraisemblablement, comme nous le verrons plus loin, dans une partie du temps qui n'a pas encore de visage.

mardi

Je ne vais pas refaire toute l'histoire, mais enfin voilà qu'on nous invective sur Twitter sur notre nom (celui de la maison d'édition, pas rien nos noms patronymiques à tous). Comme je l'écrirai plus tard à Roxane, qui par ailleurs fera une bien belle réponse tout en self control (que je n'ai pas, si vous avez bien suivi ce carnet), j'aurais mieux fait de m'en tenir à des réponses sous forme de gif animés de Pikachu (c'est la norme sur Twitter), mais enfin c'est la vie (merci de ne pas invectiver en retour la personne concernée, les effets de meute sur les réseaux commencent comme ça). La question de notre nom est revenue déjà mille fois, en interne et pas que, sur le tapis et pour faire le récit brièvement disons que si nous avions voulu changer le nom de la maison il aurait fallu le faire au moment de la reprise il y a maintenant (déjà) sept ans. L'air de si vous changiez de nom, vos livres seraient plus visibles, on le connaît déjà. Et en réalité, c'est un engrenage sans fin. D'abord c'est, votre remise est trop basse, c'est pour ça que vous êtes peu présents en librairie. Alors on augmente la remise libraire. Ensuite c'est, mais vous ne jouez pas assez le jeu des SP, c'est pour ça que vous n'êtes pas beaucoup présents dans la presse. Alors tu envoies plus de SP. Puis, mais la diffusion Hachette, là, ça ne va pas, les libraires ont besoin de quelqu'un à qui parler. Alors tu récupères la diffusion en interne et Julie nous rejoint pour les relations libraires. Mais alors : les commandes en compte ferme, c'est pas possible là, aucun libraire voudra sérieusement travailler un livre dans ces conditions. Alors tu autorises les retours (autorisation qui servira en réalité principalement les intérêts des grandes plateformes de vente à distance comme Fnac et Amazon, et pas les librairies indépendantes visées par cette manœuvre). Or donc : non mais le problème c'est la POD, c'est ça qui bloque. Alors te voilà à imprimer sur quelques titres un tirage, certes modeste (500) mais pour nous conséquent. Notons qu'à chaque nouvelle étape, effectivement, nous progressons (modestement bien sûr), ce qui n'est pas négligeable du tout. Mais le nom (qui de toute façon a tendance à disparaître derrière le logo et le nom de la collection), ce n'est pas que le nom. Derrière, ce sera un ou une attaché.e de presse, puis ensuite un diffuseur, lequel voudra des livres plus dans l'air du temps, sur des sujets d'actualité fort par exemple, ou plus accessible, etc., et au fond la question n'est pas tant pourquoi vous vous appelez ceci ou cela que pourquoi vous ne faites pas ce que tout le monde fait ? Le problème, c'est que ces fuites en avant ne résolvent aucun problème structurel traversé par le monde du livre (cet engrenage ne faisant que nous rapprocher des conditions précaires que vivent la plupart des éditeurs indépendants). Par exemple, dans Livres Hebdo, organe de presse à destination de la profession, et notamment des libraires, à chaque présentation de livre il y a une indication du tirage. Ce n'est pas là pour faire joli, c'est un indicateur, qui rend compte d'un autre engrenage (une autre dimension de la chaîne). Plus le tirage est important, plus l'éditeur a payé un à-valoir fort à l'auteur, plus il est dans l'obligation de faire le nécessaire pour faire marcher son livre, pour rentabiliser ses dépenses (pas que l'auteur bien sûr, l'impression et tout le toutim). Plus il mettra le paquet, donc, pour faire en sorte que l'écho de la presse suive. Le libraire qui lit ça a donc d'entrée l'information que la probabilité que le livre marche est plus haute que les autres. Indépendamment de son contenu. La question, ce n'est pas tant de savoir si le produit est bon que de savoir s'il a la possibilité de marcher. Que dire alors à leurs yeux d'un livre en POD, non diffusé par une structure de diffusion classique ? Nous, nous pensons qu'il a une force à part, une identité entre : entre les genres, comme on le pratique souvent, mais aussi de nature à s'insérer entre les maillons de la chaîne, si possible avant qu'elle ne se mette à rouiller. Cette place-là, sans doute est-elle perçue comme inconfortable par d'autres, et peut-être effectivement l'est-elle parfois pour nous. Mais c'est la nôtre et, à ce qui nous semble, celle de la littérature tout court. Avec de moins en moins d'espace pour être en capacité de s'exprimer dans les circuits traditionnels (pour ne pas dire industriels), quel autre choix que de se créer ses espaces propres, si besoin hors des marges, comme c'est déjà le cas sur le web depuis des années ?

mercredi

Qu'y aura-t-il au menu de  La vie de l'espace ? Florilège : Hypersphères, Hyperquadriques, Hyperquartiques, Hypercônes, Hyperpolyèdres (...) Polyédroïdes, Octaédroïdes, Pentaédroïdes, Hécatoncosaédroïdes Icosatétraédroïdes, Hexacosiédroïdes.  Soit toute une faune linéaire, polycubique et multitriangulaire ; insectes, dragons, poulpes, larves, lémures, spectres que cherchent vainement à se représenter les malheureux géomètres qui les poursuivent à travers un espace dont naguère ils ne soupçonnaient même pas l'existence, dans un infini géométrique où ils pullulent comme des entités ultraspirituelles qui de tous côtés nous entourent et doivent avoir sur nous une influence qu'on précisera quelque jour, car il est probable qu'ils participent aux lois fondamentales de notre vie. Bernard Noëllui, a quitté ce monde. Et voilà ce que je peux lire dans le second tome de l'Amitié des voix de Jacques Ancet que je relis, au début d'un chapitre qui lui est consacré :

Nous vivons dans de l’arrêté. Et, en même temps et paradoxalement, dans du fuyant. Car si notre vie nous emporte irrémédiablement vers la mort, cette fuite est sa substance même.

jeudi

Si Dieu n'est à trouver nulle part, on en croise la forme ou la figure à la jonction des deux textes sur lesquels je travaille ces jours-ci. À la fois chez Jacques Ancet, qui cite ici Michel de Certeau...

Voir Dieu, c’est finalement ne rien voir, c’est ne percevoir aucune chose particulière, c’est participer à une visibilité universelle qui ne comporte plus le découpage de scènes singulières, multiples, fragmentaires et mobiles dont sont faites nos perceptions.

... et chez Maeterlinck, qui lui s'en remet à Saint Denys l'Aéropagite :

La cause de toutes choses n'est ni âme ni intellect ; elle n'a pas d'imagination, d'opinion, de raison ou d'intelligence, elle n'est pas raison ou intelligence et elle n'est ni parlée ni pensée. Elle n'est pas davantage nombre, ordre, grandeur, petitesse, égalité, inégalité, similarité ou dissimilarité. Elle ne se meut ni ne se repose... Elle n'est ni essence, ni éternité, ni temps. Même le contact intellectuel ne lui appartient pas. Elle n'est ni science ni vérité. Elle n'est même pas royauté ou sagesse, ni une, ni unité, ni divinité, ni bonté, ni même esprit tel que nous le connaissons.

Et si nous ne sommes pas plus avancé théologiquement, au moins avons-nous pu cheminer poétiquement (ce n'est pas rien).

vendredi

Le mois d'avril est particulièrement calme. Après avoir réclamé tout azimut l'ouverture des librairies comme commerce essentiel pendant les confinements précédents, manifestement #lesgens ont réalisé après avoir obtenu gain de cause que ce n'était pas si essentiel que ça. C'est un très mauvais calcul pour l'industrie : il aurait fallu tout interdire, pour attiser artificiellement le désir de chacun de braver l'interdit. La prohibition, ça a fait ses preuves. Ou alors l'explication est autre : Le chiffre d'affaires de Fnac-Darty bondit de 22% au premier trimestre 2021. Curieusement, Fnac-Darty (ce n'est pas moi qui le dis) ça passe crème car le problème, c'est Amazon. Personne donc pour houspiller Fnac-Darty. D'autres chats à fouetter cela dit. Dépôt des fichiers à l'imprimeur pour épreuves de nos trois titres Temps réel de la rentrée d'automne. Première version maquettée du Enfin tu regardes l'herbe de Fred Griot à paraître fin septembre :

Fichiers également déposés pour le Bellamy de juin. Catalogue du second semestre en cours d'élaboration. Avancée sur les SP des Voix du temps et de Climats, tout en progressant sur la liste de Lent séisme. De sorte que le futur se prépare maintenant, et le futur du futur également. Proposition faite pour achat de droits étrangers d'un livre US. État des manuscrits en cours. Perspectives 2022. Calendrier fictif pour l'heure. Trajectoires et équilibres. Pas mal d'incertitudes mais bon. Qui n'en a pas ?