Carnet de bord 2021, semaine 9 7 mars 2021 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

Edward Bellamy (à la fin du 19e siècle) :

Le millionnaire, qui était inconnu avant la guerre de Sécession, et qui était encore un être exceptionnel en 1870, fut suivi par l’archimillionnaire. Au-dessus des archimillionnaires dominait une nouvelle génération de Titans économiques : les cent fois millionnaires, et on parlait déjà du milliardaire. Il ne fut pas difficile de voir ainsi (et le peuple d’ailleurs ne s’y trompe pas) ou allait l’argent qui fuyait les masses.

Le Point (au début du 21e siècle) :

Jamais un homme n'aurait été aussi riche. La fortune de Jeff Bezos, le fondateur et patron d'Amazon, a dépassé mercredi 26 août [2020] le montant astronomique de 200 milliards de dollars pour s'établir à 202 milliards de dollars (171 milliards d'euros), selon le classement établi par l'agence Bloomberg et consulté par BFM TV. Il devance très largement les autres milliardaires du podium, Bill Gates (qui n'a « que » 125 milliards de dollars) et Mark Zuckerberg (111 milliards de dollars).

Pensées pour Bernard Arnault.

 

mardi

 

 

mercredi

Je me réveille en pleine nuit persuadé d'avoir merdé l'envoi en production du disque de Climats en transférant la version des pistes dans leur plus simple appareil musical, c'est-à-dire dépourvu de la lecture de son texte par l'auteur. J'ai beau savoir que je ne possède qu'une seule version de ces morceaux, et que je n'ai jamais vu passer de fichiers strictement musicaux, je les réécoute malgré tout dans l'attente de l'apparition (je ne vois pas d'autres mots plus indiqués) de la voix de Laurent. Et c'est le cas. Elle y est bien. Pendant que Roxane avance en parallèle sur les mises en page de Perdre Claire et La porte de La Chapelle, que Marguerite Audoux pointe aussi le bout de son nez, il est l'heure (je veux dire, le moment dans l'année) de me replonger dans les vertigineux fichiers pour la génération des droits d'auteur de 2020. Chaque année, je rêve (carrément) de m'y mettre dès le 2 janvier pour finir ça dans le courant du premier mois, et pouvoir ainsi plus vite avancer sur le reste. Mais chaque année d'autres urgences passent devant fort logiquement, une armée de ces petites urgences et de ces microtâches à régler chaque jour escortée comme il se doit par des bataillons de soldats seringues pour les protéger des agressions extérieures (vous m'excuserez, mais entre-temps l'une de ces microtâches dont je parlais m'a amené à relire l'epub de La vie des termites à paraître en avril). Dans les faits, je commence plutôt cette traversée des chiffres et des fichiers excel début mars, comme maintenant. Ça va durer de quelques jours à deux trois-semaines, semble-t-il, selon mon niveau de dispersion de l'attention dans autre chose. Par exemple : les épreuves de Lent séisme viennent d'arriver. Demain, la Commune ! quant à lui, est paru.

jeudi

On peut remercier Canan Marasligil de remettre les choses en perspective (article en anglais, traduction française parue ce lundi dans Diacritik) dans l'affaire de la traduction néerlandaise des poèmes d'Amanda Gorman : parce que les choses sont un peu plus complexes et nuancées que la déformation journalistique qui a eu cours en France (mais pas que), tendant à résumer la polémique sous la forme : une autrice blanche renonce à traduire une poétesse noire après des pressions sur les réseaux sociaux. Plus près de nous, pendant que Philippe fait de l'archéologie comptable pour préparer les éléments qui permettront la confection du bilan 2020, que Julie lance les démarches et appels menant aux prochaines semaines en librairie, que Roxane repart en recherche créative pour les couvertures de Perdre Claire et de La porte de La Chapelle, retour donc aux interminables tableurs des droits d'auteur 2020. Et alors tout n'est que chiffres et données, chiffres et données, chiffres et données... De quoi donner envie peut-être à certains de nous rejoindre ?

Car c'est l'autre évènement littéraire de la semaine (faut-il mettre des guillemets à évènement ou à littéraire ? mais enfin j'ai déjà fait cette blague) : Joël Dicker quitte son éditeur de toujours (comprendre, depuis 2010) pour créer sa propre structure éditoriale solo, signe sans doute (mauvaise langue oblige) que les grands groupes ne lui ont pas offert assez. Voilà qui va faire croître spectaculairement le chiffre de l'auto-édition en 2022.

vendredi

Le top cinq des ventes du moment se joue entre L'anomalie (il y a des années ou passé Noël on a déjà oublié qui a eu le Goncourt mais là non), le dernier Michel Bussi, La Familia Grande et le livre de Florence Aubenas (le challenger issu du consensus journalistique, disons, il en faut un par mois à peu près). Je ne juge aucun de ces livres : ils sont non-lus. Il en manque un pour faire cinq mais au fond peu importe. Voilà donc ce qui se vend en librairie, commerce par ailleurs érigé au rang d'essentiel cette semaine, et bien sur hors. Cela fait plusieurs mois qu'on répète que l'une des conséquences de l'anomalie de l'année (bientôt il faudra dire années au pluriel), c'est le durcissement des tendances à la bestsellarisation déjà constatées (et subies) depuis longtemps. Le deuxième effet kisskool de tout ça, c'est une disparition des profondeurs de stock dans le fonds des libraires. Et par exemple si tu commandes des livres parus il y a un ou deux ans (ce qui est certes beaucoup à l'échelle du commerce mais peu à l'échelle de la culture) chez une grande librairie indé qui fait de la vente en ligne l'un de ses chevaux de bataille (et donc qui a un stock conséquent pour l'approvisionner), la plupart du temps elle ne l'a pas en rayon et doit le commander. Si eux ne l'ont pas, qui l'a ? Et c'est massivement ce que les clients du click and collect commandent, par ailleurs : des livres pas en stock nécessitant d'être commandés chez l'éditeur (mais pour être plus précis il faudrait dire : des livres ayant été travaillés par les libraires à l'époque de leur parution, puis retournés au distributeur comme invendus plusieurs semaines après la sortie, mis au pilon, et donc re-commandés auprès du même distributeur, qui lui fait sa marge dans tous les sens et quoi qu'il arrive, le système lui convient donc parfaitement, nul besoin d'en changer). Ce qui nous amène à la situation suivante : les libraires vendent le tout venant qui ne nécessite pas d'action ou d'effort de leur part (le Goncourt, le Bussi, le Familia Grande, le Aubenas) ainsi que ce qu'ils ne portent pas (les livres en commande qui arrivent au compte-goutte et un par un, on sait bien que s'il y a eu une époque où le libraire commandait un exemplaire pour son client et un ou deux pour lui au passage, elle est désormais révolue), mais pas ce sur quoi ils parient puisque les clients entrent avec déjà en tête ce qu'ils souhaitent acheter et repartent avec sans détour, sans regarder donc ce qu'il y a sur les tables. Résumé un peu schématiquement, cela pourrait donner la formule suivante : les libraires vendent ce qu'ils ne cherchent pas et ne vendent pas ce qu'ils pensent avoir trouvé. Au milieu, nous (mais pas que), on commence à trouver le temps long. Mais là encore, comme pour l'affaire Amanda Gorman, cette épaisseur de situation, la complexité du réel, on n'en voit rien de transcrit dans des articles qui en rendent compte quand ils se contentent de dire, en surface, que le marché du livre se porte bien, que les librairies ont augmenté leur chiffre. C'est doublement un problème : ce que les éditeurs indépendants traversent depuis maintenant un an et que la presse culturelle et spécialisée soit si peu en mesure de pouvoir l'analyser. Mais ça ne doit pas être en mesure de nous empêcher d'avancer : ce que Roxane s'apprête à faire sur le livre d'Edward Bellamy :