[NOUVEAUTÉ] L'enfant poisson-chat, par Christophe Esnault 25 novembre 2020 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : ,

Après une étape en surface – le tour de France aigre-doux de Katia Bouchoueva dans son Doucement (!) – et avant un retour à la terre en février prochain pour le prochain livre de Sébastien Ménard dans la collection, L'esquif fait un détour en eau douce pour accueillir le river movie (cf. l'article de Jean-Paul Gavard-Perret à lire ci-dessous) de Christophe Esnault, L'enfant poisson-chatC'est un plaisir aujourd'hui de le voir paraître.

Dans ce recueil ciselé, qui explore autant le sillon narratif de la traversée de l'adolescence et de la découverte de la sexualité qui l'accompagne que la poétique du pêcheur attendant le silure, une véritable rencontre avec la vie sauvage s'opère. Celle à laquelle on est confronté dans les fleuves et rivières où l'on pêche, tout comme celle qui se dévoile à soi-même dans le surgissement du désir. En somme, Christophe Esnault en quelques scènes découpées, épurées, mène un véritable roman de for­ma­tion aqua­tique et libi­di­nal (Jean-Paul Gavard-Perret encore, auteur par ailleurs d'un autre article à lire ici), parfois assez borderline (François Bon dans son service de presse de la semaine dernière), il est vrai, mais toujours à la jonction de ces énergies sauvages, que l'on retrouve par ailleurs dans d'autres extrémités de son œuvre (lire par exemple l'excellent Ville ou jouir chez Louise Bottu). En bordure, pour ne pas dire en marge, nous y sommes pleinement. Quant à la ligne, elle est autant connectée à celle la canne à pêche qu'à la celle du désir qui anime la ou les voix portant autant de petits récits très visuels, et très justes, sur ce monde aquatique, en soi et au-dehors.  Comme toujours dans la collection, ce livre a été accompagné et travaillé en tandem avec Jean-Yves Fick et Virginie Gautier, merci à eux pour leurs efforts conjoints sur ce texte.

River movie, par Jean-Paul Gavard-Perret

Chris­tophe Esnault pour­suit ses diva­ga­tions far­cesques où il ne noie jamais le pois­son. Sauf lorsque des truites sont fré­tillantes et pos­sèdent — entre autres — des oreilles sous leurs che­veux fous. II les pré­fère d’ailleurs dans sa bai­gnoire plu­tôt que dans les trous d’eau d’où il retire, parmi d’autres espèces,  de jeunes silures.

S’ins­crivent au fil des poèmes et de l’eau un “river-movie” et  roman de for­ma­tion aqua­tique et libi­di­nal. L’enfant est poisson-chat : ceux que les pêcheurs n’aiment pas beau­coup attra­per mais dont les gour­gan­dines appré­cient les pattes de velours (et vice-versa sans doute).

Bref, il ne faut pas jeter Esnault avec l’eau de ses bains. D’autant qu’il se débrouille très bien tout seul. En atten­dant, il savait patien­ter. Une fois son chien jeté à l’eau pour lui apprendre à nager au bas d’une chute d’eau, il savait s’auto-tripoter en rêvant aux formes géné­reuses d’une édu­ca­trice dont il était amoureux.

La  jeu­nesse se passe ainsi entre divers ratages mais peu à peu des belles prises (même en écou­tant la nuit les émis­sions de Ber­nard Lenoir). Et ce, dans un cer­tain désordre et en demandes déme­su­rées mais sou­vent res­tées muettes. C’est pour­quoi les pois­sons furent ses sem­blables, ses frères.

Avant que de polis­sonnes pois­sonnes se fixent à son hame­çon placé à un endroit pré­cis que lui avaient indi­qué les plus bien­veillants de ses amis.

Jean-Paul Gavard-Perret, Le littéraire.com

Extrait

La fille te regardait

Accrocher le poisson à ta ligne

Et tu lui parlais en réglant

La hauteur du flotteur

En déposant le jaune, le noir

Et l'orange du flotteur

A dix mètres devant

Sur l'eau plus verte que bleue

Puis le flotteur a disparu

Et tu as allumé une cigarette

En disant à la fille

Il faut attendre cinq minutes

Avant de ferrer le poisson

Tu t'es aperçu que ton fil était coupé

Et s'enfuyait dans les anneaux

Vers la rivière

(Merde ta clope !)

La fille a compris

Et t'a regardé sans rien te dire

Si elle avait ri ou s'était moquée de toi

Peut-être cela aurait été miraculeux

Puisque cela aurait été

Le moment de l'embrasser

Le livre

Ça arrivait très très rarement

Une fille dans ton appartement

 

« C’est quoi ces poissons dans ta baignoire ? »

Au prisme d’une passion pour la pêche, Christophe Esnault compose un poème dont chaque facette est un souvenir esquissé, un instant miroitant comme ces prises capturées, rejetées ou enfuies. Car ce que ces fréquentations de mares, de rivières et d’étangs font remonter à la surface, c’est tout un paysage d’enfance puis d’adolescence, accompagnant peu à peu l’éveil du désir amoureux et bornant un monde champêtre souvent prodigue mais parfois fruste ou trop étroit pour les rêves de l’enfant poisson-chat.

 

112 pages
ISBN papier 978-2-37177-604-3
ISBN numérique 978-2-37177-244-1
12€ / 5,99€

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