[NOUVEAUTÉ] Œuvres complètes, tome 2, d'Horace (nouvelle traduction de Danielle Carlès) 28 octobre 2020 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : Danielle Carlès, Horace, nouvelles traductions classiques
Il y a quasi un an tout juste, nous dévoilions la première pierre d'un projet d'intégrale Horace porté par l'excellence et l'exigence du travail de retraduction de Danielle Carlès. La seconde pierre à l'édifice est posée aujourd'hui, avec ce tome 2 reprenant l'ensemble des Odes, ainsi que le Chant séculaire terminal.
Ne sois pas désireux d'un
raisin trop acide. Bientôt pour toi l'automne
riche de couleurs mettra aux grains
bleuissants une nuance de pourpre.
Laissons un peu de côté le fameux carpe diem, à quoi Horace restera à jamais associé : une œuvre à la fois claire et complexe, classique et moderne est en train de s'écrire. Dans ses carnets, dans un sillon de notes qui jouxtent directement sa vie (et son regard sur le monde), Horace fait plus que porter son chant, il ouvre une porte vers nos temps présents à travers les siècles. Le lire aujourd'hui, avec autant de distance dans le temps mais si proche des pratiques de chacun, à l'ère des blogs et des réseaux sociaux, c'est poursuivre la continuelle exploration des laboratoires d'écriture tels qu'il se forgent depuis les origines de la littérature.
Pourquoi si hardiment, quand la vie est brève,
viser tant de buts ? Pourquoi chercher des terres
chauffées par un autre soleil ? Exilé,
se fuit-on soi-même ?
Extrait de l'introduction
[…] Pendant plusieurs années j’ai traduit et publié mes traductions d’abord sur un petit blog, puis sur le site fonsbandusiae.fr. Je n’ai pas manqué de lecteurs et l’expérience a été magnifique. Un moment est venu cependant où j’ai eu besoin de m’isoler pour achever ce que j’avais commencé et je n’ai plus rien publié jusqu’à ce qu’enfin le livre, celui que vous lisez maintenant, soit achevé.
L’idée de traduire en formes fixes n’était pas là au départ. J’ai d’abord fait comme il est assez habituel aujourd’hui : un vers libre français pour un vers latin, sans compte de syllabes et sans rimes. Pour les hexamètres dactyliques (Satires et Épîtres) cela convient assez bien. J’ai même produit aussi une traduction des Satires en prose. Mais dans la traduction des Odes, ni la prose, bien sûr, ni même les vers libres ne me semblaient rendre justice à l’œuvre. Horace en écrivant les Épodes et les Odes plie le latin à des formes d’abord inventées pour une langue grecque et l’exercice est si malcommode qu’il n’aura guère d’imitateur. L’écriture d’Horace n’est pas libre, mais fortement contrainte et expérimentale. Il emprunte aux poètes grecs de nombreuses formes différentes et doit exploiter toutes les ressources linguistiques du latin pour répondre aux modèles originaux. Or le latin et le grec, associés dans l’esprit du public et certes lointainement apparentés si l’on se place du point de vue de la théorie indo-européenne, ont développé des traits syntaxiques et morphologiques qui gênent pour entrer dans les mêmes costumes, s’agissant de formes où le nombre de syllabes est fixe, comme ici. Par exemple le grec, comme le français, connaît l’usage des articles que le latin ignore. Ceci peut passer pour un détail mais soulève en réalité des difficultés et il y en a d’autres, bien entendu.
On peut trouver sur le site fonsbandusiae.fr tous mes divers essais pour tâcher de rendre visible en français cet aspect de l’œuvre : en vers français traditionnels, en vers impairs, en vers justifiés. Je n’ai pas tardé à voir le bénéfice de ces tentatives pour la compréhension du texte.
Mais il y avait de l’arbitraire dans le fait de choisir telle ou telle forme. Or Horace lui-même l’enseigne : il faut dans une œuvre de la cohérence, de la tête aux pieds. Finalement, parvenue au Chant séculaire, j’ai simplement osé rendre un vers latin par un vers français du même nombre de syllabes. Il s’est avéré que c’était possible, juste, et même beau.
Certes le seul compte des syllabes ne rend pas justice au rythme des vers antiques puisque dans ceux-ci l’unité n’est pas la syllabe, mais une mesure composée d’une série régulière de syllabes longues et brèves, par exemple le dactyle (long – bref – bref), le trochée (long – bref), le spondée (long – long), l’ïambe (bref – long), etc. Ainsi un vers sapphique et un vers alcaïque, tous les deux de 11 syllabes fixes, n’ont pas le même schéma métrique. Le français ignorant phonologiquement la durée des syllabes, cette différence ne peut être rendue comme telle. Mais le principe de rendre un vers latin par un vers de dimension analogue permet de respecter autant que possible une certaine texture de l’expression et rend malgré tout sensible l’extraordinaire virtuosité d’Horace et le caractère unique de son œuvre.
Reprenant la totalité de mes traductions déjà achevées, je les ai donc réécrites selon ce nouveau et ultime principe qui, parce qu’il interdisait toute tentative paresseuse de glose ou de périphrase, a conduit à scruter le sens jusqu’à la moelle. […]
— Danielle Carlès
232 pages
ISBN papier 978-2-37177-598-5
ISBN numérique 978-2-37177-236-6
19,50€ / 5,99€
Vous pouvez commander ce livre directement sur notre boutique (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-598-5, distribution Hachette Livre.