[NOUVEAUTÉ] Paysage augmenté, de Virginie Gautier et Mathilde Roux 18 septembre 2019 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : , ,

Pour le dernier temps fort de notre rentrée, le moment est peut-être venu de sortir de nos univers virtuels pour découvrir d'autres paysages. Quitter la carte pour le territoire (ou bien, qui sait, précisément le contraire ?), arpenter les chemins qui fleurissent dans les mondes non pas persistants mais hésitants. Mesurer la distance parcourue entre ici et là. Chercher les coutures du plan qui se dessine, et qui nous est destiné. Voir le monde en face (ou faire un léger mais décisif pas de côté). Avant tout, remettre en question les frontières que l'on croyait connaître et s'en remettre à la poésie du paysage qui n'est plus seulement un paysage. Un paysage augmenté, donc.

Ce n'est pas clair pour vous ? Ce le sera lorsque vous aurez ce livre entre les mains, ou sous les doigts pour celles et ceux qui chercheront à l'arpenter sous le prisme des écrans tactiles (trois versions sont proposées, pour lesquelles nous avons reçu le soutien du Centre National du Livre). Paysage augmenté, en plus d'être un OVNI, emprunte à tous les genres. Bien que n'étant pas à proprement parler un roman graphique, c'est un roman graphique : le livre nait de la rencontre entre les collages poétiques de Mathilde Roux et l'écriture de Virginie Gautier. L'une réinvente le territoire à partir de cartes qui font de la fiction la matière de sa réalité, quand elle ne métamorphose pas tout simplement le cadastre en art à part entière. L'autre construit un récit qui n'est pas seulement un récit, un poème qui est plus qu'un poème, un voyage qui n'est pas tout à fait un voyage. Journal de bord d'une quête mystérieuse dans un monde (lequel ?) qui ne cesse de nous échapper, il se constitue autant en fragments qu'en listes, réinventant tout un lacis de caractères et des signes pour poser les bases d'un nouveau langage. Insaisissable, se jouant des genres et faisant écho à des imaginaires aussi vastes que ceux de Kenneth White ou d'Alain Damasio, Paysage augmenté traverse toutes les frontières. Et aujourd'hui, au terme d'un autre voyage, éditorial celui-là, dont vous avez peut-être été témoin chaque semaine ces derniers mois si vous suivez notre Carnet de bord à nousil vous tend les bras.

Quelque chose s’écarte,

dans le paysage,

quand nous avançons.

Dans ce roman d’anticipation poétique, Mathilde Roux réalise des collages cartographiques incrustés de mots et Virginie Gautier arpente ce territoire avec les siens. Ensemble, elles réalisent, dans la confrontation du paysage aux interprétations de la carte, un récit à la jonction des univers, des genres et des esthétiques. Au fil des apparitions ou disparitions des terres et des signes qui se (re)composent, le tout emmêlé dans la texture du plan, se noue alors un dialogue qui ne cesse de pressentir les pires tumultes des époques futures.

Le travail de Mathilde Roux et Virginie Gautier est un départ en forme d’écart. Écart (...) avec la cartographie conventionnelle. Tournant les pages de ce livre, on ne peut qu’être frappés par les échos multiples d’une littérature qui a rompu les amarres avec les rivages d’un monde trop connu, trop cartographié : René Daumal et Alain Damasio sont là à n’en pas douter, comme en embuscade. Il y a en effet dans ces lignes tracées et ces cartes façon commune avec la géographie paradoxale du Mont analogue, avec celle, antipodique cette fois, de La Horde du contrevent. Sans compter qu’un Henry David Thoreau doit sans doute arpenter des grèves voisines. — Postface d'Alexandre Chollier.

Revenir au paysage, extrait de la postface d'Alexandre Chollier

Avec Mathilde Roux et Virginie Gautier, le paysage – physique ou de l’esprit – n’est pas augmenté au sens où l’expression « Réalité augmentée » le suggère. Rien ne s’ajoute, rien ne vient faire écran. Dans le livre Un monde à part, alors qu’il se retourne sur l’aphorisme d’Alfred Korzybski – « la carte n’est pas le territoire » –, Kenneth White pointe précisément les coordonnées de ce type d’expérience, d’expérimentation. Après avoir rappelé que « nos systèmes de représentations sont partiels, et bien inadéquats au réel », il ne manque de souligner l’importance « d’amplifier, d’approfondir, de densifier notre expérience du réel, tout en essayant de parvenir à une représentation plus complète ».

Amplifier, approfondir, densifier, tous mots rendant précisément compte de cette cartographie fluctuante, en actes, nouée à l’existence, se complétant à son contact.

Frayant cette piste, les autrices-cartographes se font ici exploratrices-aventurières. Une exploration-aventure jamais très loin de se métamorphoser en navigation, vent portant ou vent contraire.

Plutôt que de forcer le réel à coup d’abstractions, elles décident d’accorder et régler leurs mouvements propres sur les siens. Oui elles tracent et tirent des traits pour demeurer au plus près de ce qui vit et vibre, comme d’autres tirent des bords au plus près du vent, à l’estime, pour capturer ou déjouer sa force. Ce faisant, elles ne peuvent manquer de s’accorder avec « l’indescriptible, le texte de la nature ». Trouvant l’accord juste, il se peut alors qu’elles tentent de l’exprimer en le cartographiant, profitant de l’occasion pour renouveler la science de l’observation et l’ancrer dans l’expérience même du réel.

« On me dit qu’il y a des gens qui ne s’intéressent pas aux cartes, j’ai peine à le croire. » Je fais mienne sur le champ l’incrédulité de Robert Louis Stevenson. En effet, j’ai peine à croire qu’on puisse ne pas s’intéresser aux cartes ; peine à croire que leur beauté passe inaperçue, que leur manière de figurer le monde n’imprime pas profondément sa marque en nous, aussi fugace soit-elle. Mais pour cela force m’est aussi de reconnaître que chaque carte demeure nécessairement incomplète, et que ses attributs (titre, échelle, légende) ne sont que conventions.

Ceci dit, revenir au paysage, l’augmenter par notre présence et viser dans le même temps à une représentation plus complète, c’est un peu ôter à la carte son titre, sa légende et son échelle. C’est la laisser vivre devant nous et avec nous. C’est reconnaître que face à elle, il n’est peut-être pas d’autre choix que de s’y projeter.

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112 pages
ISBN papier 978-2-37177-574-9
ISBN numérique 978-2-37177-228-1
12€ / 5,99€

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