Carnet de bord 2020, semaine 48 29 novembre 2020 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés : , , , , ,

publie.net, le feuilleton (que le monde du livre nous envie) à retrouver chaque semaine, par GV.

lundi

La semaine commence par une relecture climatique : la dernière version corrigée par Laurent de son épopée à reparaître au printemps dans une nouvelle édition, doublée d'un disque. Très vite j'en viens à me dire : tiens, Laurent a intégré dans ses vers un signe cabalistique étrange dont j'ignore la signification, qui fait tendre le texte vers un mysticisme inattendu (pourquoi pas, mais je ne comprends pas l'intention). Mais ça, c'était avant de réaliser que mon signe sans doute issu d'une forme d'écriture cunéiforme vieille de quelques milliers d'années n'est qu'un signe ":" barré. Une correction, quoi. D'autres climats nous traversent ce jour : on me signale qu'un de nos livres, dans sa version imprimée, ne sort pas sur le site de la Fnac quand on le cherche, et effectivement c'est le cas. C'est un problème de n'être pas trouvé quand on nous cherche. Et Fnac.com a une drôle de façon de référencer les livres papier : plutôt que de faire ce que fait n'importe quelle petite librairie (du moment qu'elle est informatisée), à savoir se raccorder aux flux de métadonnées émis par les distributeurs eux-mêmes ou les catalyseurs que sont Electre ou Dilicom (ce que font évidemment tous les acteurs de la vente en ligne), la Fnac et son système antédiluvien (pardon de le dire mais enfin ce n'est un secret pour personne : il suffit de regarder dans un magasin physique la tête du système qui tourne sur les écrans du personnel) fonctionne différemment. En gros, si un magasin physique n'a pas commandé un livre à un moment donné, il n'est pas référencé sur Fnac.com. Il convient alors d'envoyer une matrice excel à une adresse générique d'un service je ne sais où qui procédera à l'intégration (autrement dit faire manuellement ce que le reste de la profession fait faire automatiquement depuis des années). Ça me dépasse mais enfin ça ne s'arrête pas là. La matrice en question fait 22 colonnes, de Éditeur libellé à CGV / BAREME REMISE et/ou TAUX DE REMISE, ce qui m'amène à préciser ici que, comme pour Amazon, la remise que nous accordons à la Fnac (mais il convient de dire à présent le Groupe Fnac Darty) est de fait gelée par notre distributeur (c'est dans nos contrats) à 40%. Cela dépend des accords globaux entre Hachette et ces grands groupes, ce qui nous force, de fait, à consentir à des remises plus généreuses avec ces enseignes qu'avec les librairies indépendantes (35%). Dans cette matrice, toutes les données figurant dans ses colonnes sont des éléments basiques qui figurent évidemment dans le flux régulier des métadonnées distributeur (du genre prix, format, date de parution, thèmes, nom de l'auteur, etc.). Bien sûr, pas question de remplir ces tableaux à la main, je cherche donc à exporter la base distributeur. Pour ce faire, je m'en réfère au manuel d'utilisation de l'application permettant de gérer les métadonnées papier (pour le numérique, c'est encore un autre dispositif, puisque nos livres ne sont pas distribués par Hachette mais par Immatériel, avec une possibilité d'export pour le coup beaucoup plus intuitive) : la notice fait 298 pages. Youpi.

mardi

On croyait la seconde vague des retours amazoniens derrière nous mais non. 11 nouveaux cas ce matin d'un livre qui est aussi un tome 3 : cela signifie donc que pour se tromper dans l'approvisionnement de ce titre, il faut n'avoir pas tenu compte des deux précédents tomes du même cycle (il y a en effet peu de chances de vendre plus un tome 3 qu'un tome 2, et plus un tome 2 qu'un tome 1). On pourrait se dire : quelqu'un sait qu'un tome 3 est un tome 3 car c'est écrit sur la couverture. Un algorithme ne le peut pas. Sauf que les cycles sont aussi codés dans les métadonnées : on identifie un cycle comme tel en remplissant un champ cycle, on renseigne le titre du tome et le numéro de tomaison. Ce n'est donc pas une question d'être un algorithme plutôt qu'un humain (il semble basique de coder une ligne disant peu ou prou pas plus de quantité d'un tome x par rapport à un x-1) mais d'être un mauvais algorithme. Je crois que dans le langage courant voire familier on appelle ça être un peu teubé. Amazon est donc est un peu teubé. Ou alors il s'en fout : ça lui est égal de prendre un peu plus et de retourner plus, comme ça lui est égal, au distributeur, de placer un peu plus d'exemplaires qu'il n'en faut et d'en retourner au final (pire que ça : il en profite, gagnant de l'argent dans les deux sens, de la distribution au retour). Le seul qui en pâtit, c'est l'éditeur. Youpi (bis) ! Mais j'ai déjà suffisamment écrit là-dessus dans ce carnet. Mieux vaut gagner du temps plutôt qu'en perdre : j'ai ce matin une idée pour l'édito de la newsletter de décembre et je prends plaisir à l'écrire (c'est rare s'agissant de la newsletter, qui verse parfois trop dans la communication communicationnelle, comme on dit de la politique qu'elle verse dans la politique politicienne), je gagne donc du temps par rapport au moment, la semaine prochaine, où j'aurais dû l'écrire, et le Guillaume du futur devra donc une fière chandelle au Guillaume présent (devenu le Guillaume passé si vous suivez). Sauf que la semaine dernière, j'avais déjà eu une idée enthousiasmante d'édito pour la lettre d'info, qui me paraît aujourd'hui périmée, je l'ai donc écrite pour rien dans le passé, perdant d'avance hier le temps que j'allais gagner aujourd'hui en prévision de demain. De sorte qu'au bout du compte, c'est une opération blanche, comme on dit. On n'a rien gagné, et on n'a rien perdu. S'agissant de cette année cheloue (je ne sais jamais si on doit accorder les adjectifs verlantisés), on s'en contentera.

mercredi

(ce jour inclut une communication commerciale de l'aiR Nu)

L'heure est venue de déposer une nouvelle facture bibliothèque sur la plateforme Chorus Pro. Évidemment, quelques sueurs froides sans raisons. Sans raisons ? C'est déjà arrivé un dépôt Chorus Pro sans qu'un problème se pose ? Non. Voilà donc ma raison. Mais je ne me décourage pas, je fais le 36 15 code punkette, pardon, je vais sur le site de Chorus Pro. Là, il ne reconnaît pas le mot de passe de mon trousseau qui n'a pourtant pas changé depuis la dernière fois où il l'a reconnu, mais enfin baste, ça ne compte pas, c'est une broutille. Poursuivons pour n'en pas croire ses yeux. Pas. De. Problème. Aujourd'hui. Tout. Se. Passe. Bien. On arrive à déposer du premier coup sa facture, on a trouvé très facilement tous les services. Que du bonheur. Que du bonheur ? Grmpf. Pas exactement. À la dernière étape, ça coince. Le truc me dit que je ne peux pas déposer une facture pour le service factures publiques si je suis moi-même un établissement privé. À première vue, ça paraît logique. Sauf que factures publiques est le SEUL service de la mairie dont dépend la bibliothèque que je dois facturer. Il n'y a aucune autre possibilité d'adresser ma facture à un autre département, via un autre code, ou dans un autre service. Que faire ? Ni une ni deux, je dégaine le 36 15 code punkette, pardon, je contacte ClaudIA (...). ClaudIA (...) ne s'appelle pas ClaudIA (...), elle s'appelle juste ClaudIA. Le (...) que je rajoute à la fin n'est là que pour marquer par écrit ma propre circonspection (c'est un jeu de mots, c'est une intelligence artificielle, c'est de l'humour administratif). Or donc me voilà à discuter avec ClaudIA comme jadis les utilisateurs du 36 15 code punkette avec leurs hôtesses. Voilà ce que me dit ClaudIA (les gras sont d'origine) : Vous n'êtes pas rattaché à la structure, il vous faut faire une demande de rattachement.

-- Ah.

-- Pour être rattaché à votre structure il faut vous rendre sur l'espace " Mon compte ", bloc " Mes rattachements aux structures " et cliquer sur " + Demander un rattachement ".

-- Je...

-- Vous serez redirigé sur la page " Demander un rattachement à une structure " sur laquelle vous devrez renseigner dans le champ " Identifiant " soit un SIRET, soit tout  autre type d'identifiant selon votre catégorie (RIDET, particuliers, etc).

-- C'est que...

-- Vous ne devez jamais vous rattacher à la structure destinataire de vos factures.

-- Oui mais alors...

-- Dans " Résultat de la recherche " sélectionnez la structure en cochant la colonne " Sélection ", puis cliquer sur " Sélectionner ". 

-- C'est-à-dire que mon problème n'est pas tout à fait...

-- Toutefois si votre structure n’est pas encore enregistrée sur Chorus un bandeau vert apparait dans le bloc " Résultat de la recherche " il faut alors cliquer sur " +Saisir une nouvelle structure ".

-- Peut-on revenir à...

-- Point d'attention : Une fois la demande de rattachement effectuée celle-ci reste " En cours de validation " tant qu'un  gestionnaire principal   ou secondaire n'a pas accepté la demande.

-- Une minute, je copie-colle ça dans mon carnet de bord et je suis à v...

-- Votre conversation est expirée. Vous pouvez en relancer une avec le bouton prévu à cet effet en haut de cette fenêtre de discussion.

Rien de tout ça n'a bien sûr le moindre rapport avec mon problème, bye bye ClaudIA. Je mettrai bien un pouce vers le bas pour sanctionner l'ineptie de cet échange, mais depuis que j'ai écouté l'épisode du Code a changé, le podcast de Xavier de La Porte sur France Inter, sur l'obsession de la notation permanente dans nos sociétés modernes, je ne sais plus ce qu'il faut faire ou ne pas faire pour décourager (comprendre, ne pas encourager) ce nouveau tentacule de l'hypercapitalisme connecté. Fort heureusement, on peut aussi être mis en relation avec un agent, un agent humain (ça existe encore) ! J'ouvre donc le 36 15 code punkette, je veux dire une fenêtre de chat (décidément...) et je lui pose ma question. Et l'agent me répond. Je viens de consulter le compte de la structure vous n'êtes pas obligés de saisir de code service. Voilà. Fin de l'histoire. Plutôt que de chercher à remplir ce champ coûte que coûte, il suffisait de le laisser vierge. Beaucoup de (bruit dans le) carnet de bord pour rien. Supériorité de l'intelligence humaine (enfin sauf la mienne) sur les boucles d'intelligence robotique. 36 15 code punkette. Mieux vaut donc délaisser les réseaux, plonger en eau douce dans un trou d'eau poissonneux et s'en remettre à la poésie de Christophe Esnault, dont L'enfant poisson-chat paraît ce jour.

jeudi

Dans mes premiers messages de ce matin, saluer le fait que le mois de novembre semble enfin commencer à décoller malgré les ventes en moins des retours (tout va bien, nous ne sommes que le 26), mais aussi m'excuser d'user avec autrui de vocables néo-libéraux. Voilà qui donne le ton. J'aimerais terminer de relire Lent séisme avant la fin de la semaine : j'y arriverai. Me replongeant dans le texte, et découvrant  la maquette conçue par Roxane, je ne peux m'empêcher de retourner au brouillon de quatrième de couverture commencé il y a plusieurs semaines, et qui ne me convient pas. Quelque chose cloche, alors je le réécris en partie, je l'affine. Ça cloche toujours. Comment savoir ce qui cloche et où ? Pourquoi ? Je crois que la réponse à cette question se trouve dans une autre question. À qui adresse-t-on une quatrième de couverture ? Parle-t-on à nos cercles de lecteurs et lectrices, disons, identifiés (je n'ose écrire ici habituels), lesquels sont en droit d'attendre de nous un regard critique et pas seulement un argumentaire commercial ? Un premier cercle somme toute. Parle-t-on aux relais capables de prendre en charge la médiation de ce livre (journalistes, libraires, recenseurs de tous horizons) qui nécessitent des éléments préalables pour cerner le livre ? Parle-t-on aux lectrices et lecteurs eux-mêmes, ceux que l'on essaye de toucher lorsqu'ils retournent un livre en librairie pour en découvrir le ton, le sujet et le contenu ? Ou bien encore, dernière possibilité, parle-t-on à l'autrice ou l'auteur pour lui signifier ce que l'on a pu ressentir face à son texte ? Le problème que je rencontre avec cette quatrième vient du fait qu'elle est trop verbeuse, et qu'à part flatter l'autrice (et encore), je ne vois pas quels bienfaits cela peut apporter. Y revenir donc. Le problème si l'on tend à s'adresser au plus grand nombre (le fameux grand public) c'est qu'on est obligé de considérablement réduire (encore ce mot) le livre à ce qu'il n'est pas, ou à ce qu'il n'est qu'en surface. Ce n'est pas non plus un service à lui rendre. L'idéal étant bien sûr de pouvoir s'adresser à chacun de ces publics, sans compromettre rien, tout en donnant envie de découvrir le livre. C'est un numéro d'équilibriste, quoi. J'écris là une deuxième version, et je les regarde s'opposer, ou se refléter, ou se compléter, ou se déformer l'une l'autre. Pour l'instant, je ne sais pas (ce qui représente une grande partie de notre activité, je trouve, ne pas savoir).

vendredi

Déformation professionnelle : maintenant, à chaque fois que je crée un nouvel article sur le site, quelle qu'en soit sa nature, j'écris lundi en premier mot comme si chaque texte à composer était un élément du carnet de bord. Je deviens donc carnet-débordé, ou carnet-de-borderline, je ne sais. Ce que je sais en revanche, depuis les annonces gouvernementales de ces derniers jours, après des jours passés à ne pas savoir et, donc, comme tout le monde, à spéculer à partir de bribes d'infos que je ne possédais pas, c'est que les librairies rouvrent demain, semble-t-il dans une dynamique de protocole sanitaire renforcé ressemblant en réalité au premier protocole ayant suivi le déconfinement de mai dernier. Souvenons-nous, à la réouverture en mai c'était Noël. Là, ce sera donc Noël au carré. À ce stade, difficile de prévoir ce que cela donnera quant à notre propre activité en librairie : si l'on se fie aux années précédentes, ce sera normal pendant la première quinzaine, avant ralentissement progressif des commandes libraires plus on approchera de la date fatidique, et alors passé le 20, bim, ce sera l'hiver polaire. Là encore, si le schéma d'activité est comparable à d'autres années plus normées (ou normales), les commandes directes sur notre site devraient nous aider à compenser, et de fait l'activité sur le site est de plus en plus forte de mois en mois. De quoi nous permettre de mesurer l'élasticité ou l'inélasticité de nos livres, au sens figuré, pendant que Noémi Lefebvre et Laurent Grappe en développent une théorie au sens propre. Joyeux Noël.