[NOUVEAUTÉ] À même la peau, d'Anne Savelli 15 novembre 2017 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : anne savelli, temps réel
C'est toujours un plaisir de suivre, et ici d'accompagner, le travail d'Anne Savelli. Que ce soit dans sa recherche liée aux décors (Décor Lafayette, Décor Daguerre), dans son approche du roman (Franck), ses explorations numériques (Anamarseille mais aussi ses projets en lien avec l'aiR Nu, dédié à la création radio sur le web), Anne Savelli a construit au fil des années une matière littéraire construite, une œuvre cohérente et singulière. Aux premières années de publie.net, il y a d'abord eu Autour de Franck, avec Thierry Beinstingel, et c'est tout naturel aujourd'hui de reprendre un cheminement commun avec ce diptyque charnel et minéral intitulé À même la peau que nous sommes heureux de publier aujourd'hui. Celles et ceux qui suivent au jour le jour l'écriture d'Anne (sur son site ou sur les réseaux) savent qu'elle s'intéresse en ce moment beaucoup à la photographie (Marilyn n'est pas loin). À même la peau est dans cette veine, c'est un texte composé au contact de l'image. À l'origine écrit pour la compagnie de danse Pièces détachées, À même la peau est un diptyque qui puise autant dans la présence mobile et volatile des corps en mouvement que dans la tension de la fixité qu'implique la matière photographique. C'est une démarche qui tire son énergie à la fois dans le pas d'élan des danseurs et dans les instants d'abandon de la pose. Plus proche de Franck dans son énergie que des deux Décors, il y a aussi dans ce livre un peu de la poésie d'Île ronde paru chez Joca Seria il y a quelques années et dont la couverture, signée Mathilde Roux, disait alors : Tu / ne te rappelles / plus / ce qui a fait / obstacle. Il n'y a plus d'obstacle. Lisant À même la peau, on accepte de se laisser aller avec le flux des corps, la peau exposée, vulnérable et sensible, on s'autorise quelques métamorphoses. On en a bien besoin.
Anne Savelli sera présente lors du Salon des éditeurs indépendants L'autre livre le vendredi 17 novembre à 17h pour une séance de signature sur notre stand. Retrouvez-la également le 24 novembre à la Maison de la poésie pour une rencontre proposée par remue.net et animée par Sébastien Rongier.
Le livre
Bien corsetés, ce serait donc ce que nous sommes, et le monde de l’éveil celui de toutes les frontières ? Squelette, peau, graisse, muscle, poil, cheveux, langue, sans oublier la façon dont nous fûmes nourris, bercés, rassurés, rejetés, éduqués, testés, amoindris, jugés, excités, refroidis : tout cela nous circonscrirait à une forme, une seule, inamovible ?
Comment vivre au plus près des corps ? Ce diptyque, Anne Savelli l’a écrit à leur contact. Tout contre. Né d’une collaboration avec la compagnie de danse Pièces détachées, c’est un roman double qui prend comme point de fixation la peau, les os, les muscles dans ce qu’ils ont de plus minéral, parfois, mais aussi de plus volatile. Ballet de mouvements qui écrivent autant qu’ils inventent leur rapport à l’autre et au monde, d’une part ; de l’autre, vertige de la fixité dans une série stroboscopique de photographies qui puisent autant dans les zones d’ombre du modèle que dans son éclat. En creux, c’est tout un monde de luxe, de perfection physique et de domination qui va se déployer et dont le récit tentera de reconstruire, d’assembler, de réécrire l’identité dans une forme proche de l’enquête fragmentée. C’est l’histoire d’un corps qui s’effondre, toujours. C’est aussi le lieu choisi pour une élévation d’une grande poésie.
Extrait
J’ai commencé à t’écrire après une nuit passée sans dormir, non, pas un seul instant ; après avoir écouté par le replay d’Arte une suite de reportages sur les super héros, espérant renouveler l’expérience de la veille — le premier épisode m’avait fait tomber droit et dru dans le sommeil. Une nuit entière les yeux fermés à ne pas regarder ces corps parfaits et dessinés, moulés au millimètre, drapés, fuselés, fendant l’air qui passaient en boucle sur l’iPad ; à suivre simplement au casque les commentaires, les récits en anglais, en français mêlés à des effets sonores, à une musique trop forte, mal allongée sur le canapé, ne sachant où caser la tête, les genoux, les jambes. Une nuit qui n’a pas su chasser ce que la nuit elle-même appelait de malaise, de prise à la gorge, de ventre noué.
Des images d’escaliers de secours, de panneaux One way, de façades de briques, défilaient peut-être à la place. Ou de palmiers, de filles en rollers, cheveux longs et shorts en satin roulant près des plages, chromos venus de films, de séries découverts à l’adolescence et qui avaient réduit les villes à un décor 2D dans lequel Street View nous invite aujourd’hui à nous rendre, à nous perdre. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.
Le matin, j’ai glissé dans mon sac ce livre qui t’est dédié, L, acheté il y a longtemps, expédié des États-Unis. Ce livre, soyons précis, est un exemplaire d’occasion. Son format est carré, sa couverture souple. Il compte 128 pages sans dédicace ni note, coûtait à l’origine 16$95 et il est légèrement corné, jauni. Ce livre, L, a pris le métro ce matin-là, ligne 2, ligne 11, ligne 9, est passé d’un quartier nord de Paris au quartier ouest et chic où se trouve mon bureau.
Il a été posé par terre, sur un parquet clair, devant un second canapé.
Il a été rangé sur une étagère, a traîné sur la table, est retourné dans le sac. Il a été ouvert, feuilleté. Le texte a été lu, rapidement traduit avec la promesse de s’y prendre mieux, de s’y arrêter davantage, plus tard, après avoir dormi.
L est donc un livre dont le sujet est toi, et l’histoire de ce livre. Une histoire, du moins. Passage d’une époque à une autre, d’une dimension à la suivante, des yeux fermés aux yeux ouverts, que sais-je encore. Mais un passage oui, sans doute.
112 pages
ISBN papier 978-2-37177-521-3
ISBN numérique 978-2-37177-180-2
13€ / 5,99€
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