Carnet de bord 2021, semaine 23 13 juin 2021 – Publié dans : Carnet de bord – Mots-clés :

lundi

J'inscris dans notre outil de gestion interne cabine de téléphone rouge le planning d'un texte qui s'intitule pour l'instant ????? (c'est provisoire, mais enfin pourquoi ne pas le considérer comme titre potentiel ?). J'y passerai la journée grosso modo et je dois arriver jusqu'à la page 54 du manuscrit si je veux pouvoir terminer, comme prévu, demain soir. Plus on avance dans le texte plus j'ai besoin de revenir en arrière dans les paragraphes pour me remettre dedans, non pas qu'on tombe de l'embarcation pendant la traversée, juste que plus la chaleur monte moins mes connexions neuronales se font (ou quelque chose comme ça). Là, je reviens sur le passage qui commence par les mots Eu égard à la corrélation chronologique. C'est un texte assez drôle.

mardi

L'Autre livre a envoyé ces jours-ci une lettre ouverte à la nouvelle présidente du CNL pour appeler de ses vœux à une réforme de l'institution et une protection accrue aux éditeurs indépendants en ces temps de grande souffrance pandémique (qui est en réalité un temps de grande souffrance découlant naturellement des dysfonctionnements à l'œuvre dans le marché du livre depuis bien longtemps et personne n'est dupe). Si ce constat nous le partageons, certaines propositions émanant de cette lettre nous paraissent moins en accord avec nos principes, et notamment de l'idée d'un domaine public payant servant à financer la création. Renvoyons notamment aux articles qu'a consacré Lionel Maurel à cette question.

mercredi

La machine aussi a le droit d'avoir la flemme : un chapitre sur deux environ de la Vie des fourmis après l'OCR est amputé de sa première page. On ne voit pas vraiment pourquoi mais enfin voilà longtemps qu'on a cessé de s'interroger sur les absurdités technologiques. Vie des fourmis où Maeterlinck explique d'abord qu'il n'avait pas eu l'intention d'écrire sur cet insecte-là, qu'il trouve notamment ingrat, puis indique qu'il néglige entre autres la question de la parthénogénèse des pucerons (zut). La fin de l'introduction est autrement plus vertigineuse, et dans la droite lignée des précédents textes du cycle, des fleurs à l'espace en passant par les abeilles et les termites :

Afin de nous intéresser comme il est juste et nécessaire, à des vies qui ne sont pas à notre échelle, supposons qu'il s'agisse de l'histoire d'une race pré-humaine qui aurait passé sur la terre quelques milliers ou millions d'années avant notre arrivée. Rien ne nous dit qu'il n'y en ait pas eu, comme rien ne nous affirme que ne surgira pas une race post-humaine, quelques milliers ou millions d'années après notre départ. Dans l'infini du temps, le passé et l'avenir sont interchangeables.

jeudi

L'un des contacts presse à qui régulièrement on envoie des exemplaires presse de nos parutions, et qui a proposé plusieurs de recensions de nos livres par le passé, m'écrit pour me dire qu'il arrête la réception des SP, et que dorénavant il achètera les livres dont il rendra compte (et c'est tout à son honneur). Sans rien trahir de nos échanges, cela peut nous éclairer quant à une forme de malaise de promotion qui se joue avec le livre. S'agissant d'un marché de l'offre, les maillons intermédiaires de la chaîne sont aussi fortement concernés par la surproduction actuelle que les autres. Le champ de la littérature contemporaine est encore plus étroit et clairement les différents recenseurs ou prescripteurs sont sursollicités. Lorsque les SP arrivent au kilo, difficile de garder sa capacité de curiosité intacte. Le problème, c'est aussi qu'un SP n'est pas gratuit. Je ne parle pas du coût d'envoi pour l'éditeur, ou du temps que ça lui prend : je parle du point de vue de la personne qui le réceptionne. Quand on envoie un exemplaire presse c'est qu'on attend quelque chose en retour. Peut-on faire abstraction de ça quand on rend compte de sa lecture ? Un article gratuit, comprendre là non troublé par la démarche de com' de l'éditeur, n'a-t-il pas plus de valeur ? Il y a sans doute un travail de sélection (et de séduction) à faire vis à vis des recenseurs plutôt que d'arroser à tout va. Sauf que le problème est général (et partagé) : si l'on arrête du jour au lendemain d'envoyer des SP, d'autres sauront prendre un espace laissé vacants. Personne n'a donc intérêt à cesser les envois, ou du moins les ralentir.

vendredi

Suite et fin de la première relecture de la Vie des fourmis, qui donne l'impression que Maeterlinck s'exprime avec un mauvais accent mal imité de l'italien, vu que l'OCR a décidé de remplacer bon nombre de e par des o. Rétablir le français, donc. Et puis encore tomber sur ces pépites qui savent remuer les formes, les âmes et la matière :

Évidemment mieux vaudrait s'adresser d'abord à nos propres électrons qui sont aussi vieux que les mondes. Ils nous diraient tout, puisqu'ils doivent tout savoir. Quand nous parlons, c'est eux qui parlent, mais ils gardent le silence sur ce que nous ne sommes pas à même ou sur ce que nous n'avons pas encore mérité de comprendre. Faute d'eux, tournons-nous vers ce qui nous ressemble le plus sur cette terre : nos insectes sociaux.