[REVUE DE PRESSE] Les présents, d'Antonin Crenn : lumineux et initiatique (Evelyne Leraut) 15 avril 2021 – Publié dans : La revue de presse

Merci à Evelyne Leraut pour cette belle chronique à retrouver ici-même.

La vérité ! s’écrit Gabriel (geste), comme si tu savais cexé. Comme si quelqu’un au monde s’avait cexé. Raymond Queneau & Antonin Crenn.

Olympien, ce classique à l’aube-née est un modèle pour tous les étudiants en littérature. Le style est un champ de blé en mouvement. Le fluide magnétique d’un renom en apogée. Cette trame qui pousse son premier cri à la vie, piédestal assigné à la table des rois : Les présents. La voix d’Antonin Creen emporte le lecteur de l’autre côté du rivage dans cette heure d’élévation liane et siamoise. Deux hommes, Théo et Édouard se retrouvent par hasard après de longues années de silence.

« Édouard qui bûchait sur ses cours de linguistique rencontra les yeux de Théo qui faisait semblant de travailler sa sémiologie. On connaît déjà la suite. » « J’habite ici, il annonça. -moi aussi » dit Théo. » « Je n’étais jamais monté au-delà du quatrième étage, dans notre propre escalier, tu t’en rends-compte ? »

Théo a perdu son père dans les prémices de son enfance. Un week-end tous les quinze jours, comment collecter l’œuvre d’un père et la faire sienne ? Ses regards percent les persiennes closes de cet avant. Édouard délaissé par ses parents trop absents, sera l’oisillon refugié chez son oncle (le frère de sa mère) et sa tante. Un jour brutal il apprendra la mort accidentelle de ses parents. Théo et Édouard font bloc. Ils rassemblent l’épars égaré dans les limbes. Chacun cherche la pièce manquante pour se réaliser. Ils vivent dans le même lieu, l’immeuble du boulevard Voltaire, un haussmannien où tous les protagonistes mêlent leurs points communs, la quête de leurs origines. Entre - monde métaphysique, le temps s’arrête. Les appels et les signaux perdurent. Insistants, ils refont surface immanquablement. La ténacité et le désir de comprendre foudroient ces deux garçons. Cartographie d’une ville, les plans enracinés dans les écueils des questionnements existentialistes. La contemporanéité dévoile les urbanités rassurantes. Ancrés dans les philosophies, les gestes cruciaux bousculent les doutes.

« Je parle du boulevard où habitent Théo, Édouard et les autres, et qui porte aujourd’hui le nom de Voltaire. On l’appelait, sur les plans de l’époque : boulevard du Prince- Eugène. »

Paris, Le Finistère, suivre la voie de l’ancestral, de ce passé qui resurgit. Le générationnel brise les pavés d’une ville qui éclate en morceaux symboliquement. Le Grand-père de Théo, marin, laissant femme et enfant en devenir. Anonyme naufragé du commandant Charcot. Théo est l’ubiquité. Retrouver ses racines, renaissance en devenir.

« Et la joie de renouveler un plaisir déjà éprouvé dont Édouard et Théo connaissent la saveur et l’anticipent, la prévoient – la désirent – parce qu’ils s’en souviennent. »

« Les présents » est un phare dans la nuit sombre. Un hommage aux absents qui ont apportés les preuves de l’essentialisme. On ne peut être sans l’originel. Lumineux et initiatique, les êtres sont des merveilles. La rectitude d’un texte qui déploie le parchemin salvateur. Ici, vous avez le sens même de toutes vies, le summum d’un immeuble symbolique. Votre désir de rester bien après le point final.  Magistral, solaire, réconfortant il est le champ des possibles, la sève et l’espoir d’émancipation. Publié par les majeures Éditions Publie.net.