Où va l'argent lors de l'achat d'un livre ? 16 février 2018 – Publié dans : Notre actualité, Réflexion(s) – Mots-clés : Guillaume Vissac, philippe aigrain
Ouvrez bien les yeux. Nous allons dévoiler des secrets souvent bien gardés et essayer de vous permettre d'effectuer des choix importants en connaissance de cause. Prenons un livre de 168 pages vendu 17 € TTC comme livre papier (avec accès inclus à la version numérique) et 4,99 € TTC en livre numérique. Nous vendons ce livre par des canaux très différents :
- pour le papier : en librairie avec distribution par notre distributeur ou en distribution directe pour les rares librairies qui ne sont pas en compte avec ce distributeur, en vente directe sur notre site ou lors d'événements, ou sur des plateformes comme Amazon et fnac.com,
- pour le livre numérique sur des plateformes ou en vente directe sur notre site.
Voici maintenant un tableau de répartition pour les coûts et revenus marginaux bruts d'une vente d'un exemplaire papier. Malgré leur apparente précision au centime près, ces chiffres reposent sur diverses approximations, ignorant par exemple que les droits d'auteur sont plus importants au-delà d'un certain seuil de vente, que les coûts d'impression sont légèrement dégressifs en fonction du nombre d'exemplaires d'un même titre imprimés dans une année, ou les coûts (limités dans notre cas) liés aux retours ou au stock :
Mode d'achat |
Taxe |
Impression | Distribution, transport et transactions bancaires |
Marge détaillant |
Marge brute éditeur |
Auteur(s) |
Librairie par distributeur | 0,89€ | 2,65€ | 2,01€ | 5,64€ | 3,86€ | 1,94€ |
Amazon et fnac.com | 0,89€ | 2,65€ | 2,01€ | 6,44€ | 3,06€ | 1,94€ |
Vente directe sur notre site | 0,89€ | 2,65€ | 1,27€ | - | 10,25€ | 1,94€ |
Vente directe lors d'événements et salons | 0,89€ | 2,65€ | 1,12€ | - | 10,40€ | 1,94€ |
Qu'en conclure ? Quel que soit le mode d'achat, les revenus sont les mêmes pour l'auteur. La TVA et le coût d'impression à la demande sont également toujours les mêmes. Ce qui va changer drastiquement c'est la répartition du reste entre le détaillant (librairie ou plateforme), le distributeur et l'éditeur. En particulier, la marge brute de l'éditeur varie d'un facteur 3,5 entre une vente sur Amazon et une vente directe, d'un facteur 2,7 entre une vente en librairie indépendante et une vente directe. Seulement, dans ce dernier cas, un éditeur indépendant ne peut pas choisir l'un ou l'autre. Les librairies sont le lieu de la rencontre des livres et du public. Exprimé en terme de choix du lecteur, ce sera à vous de décider à chaque fois si vous préférez soutenir l'activité éditoriale (sélection, accompagnement de la maturation des livres, mise en forme et en objet, promotion, médiation en propre), le parti littéraire spécifique que nous représentons ou le rôle également essentiel des libraires. Et quel que soit votre choix, nous vous en remercierons. Mais il y a au moins un choix que vous pouvez faire, c'est celui de n'utiliser les plateformes des grands acteurs comme Amazon que lorsque vous ne pouvez pas faire autrement. Pour vous faciliter ce choix, nous assurons que la livraison de nos livres en librairie par notre distributeur ou leur expédition en cas d'achat sur notre site soit très rapide. Et la différence, c'est aussi que ni votre libraire, ni nous ne collecterons [footnote]Bien sûr, notre site enregistre vos commandes et vous en fournit un historique, ces données étant conservées pour des besoins comptables, mais nous ne les analysons pas, ce que vous lisez ou offrez ne regarde que vous.[/footnote] ou vendrons vos données pour la publicité ou l'influence sur vos comportements.
Voyons maintenant ce qu'il en est pour une vente de livre numérique :
Mode d'achat | Taxe | Commission et remise | Transaction financières | Marge brute éditeur | Auteur |
Plateformes | 0,26€ | 1,89€ | incluse dans commission | 1,52€ | 1,32€ |
Vente directe site paiement Paypal | 0,26€ | - | 0,42€ | 2,99€ | 1,32€ |
Vente directe site paiement CB | 0,26€ | - | 0,06€ | 3,35€ | 1,32€ |
À nouveau la taxe et les droits d'auteur sont indépendants du mode d'achat. La marge brute éditeur double lors d'un achat sur notre site plutôt que sur les plateformes. Cependant, dans l'état actuel du marché et des appareils du livre numérique, la présence sur les plateformes est indispensable. Aujourd'hui, Amazon représente 44% de nos ventes sur ces plateformes, Kobo 21%, Apple 17% et Google Play 5%, les 13% restants se partageant sur une quinzaine de plus petits libraires en ligne et les revenus du PNB étant inexistants [footnote]Prêt numérique en bibliothèque, sachant que notre offre principale aux bibliothèques repose sur des abonnements donnant droit à mettre à disposition les fichiers à leurs usagers.[/footnote]. Les ventes sur notre site se développent rapidement et nous vous encourageons à le choisir. Mais c'est sur un autre point que nous voulons attirer votre attention : si vous pouvez payer par carte bancaire, évitez absolument les paiements Paypal. Dans l'exemple ci-dessus, la commission prélevée est 8 fois plus importante que pour un achat CB. Pour un abonnement à 69,00 € elle est 40 fois plus élevée. Et pour un achat d'un classique à 0,99 €, Paypal prélève 28% du prix !
Les abonnements à notre catalogue numérique, qu'ils soient à destination des particuliers ou des collectivités, nous permettent par ailleurs d'être soutenus dans notre action sur une plus longue période. Vous êtes toujours plus nombreux à nous suivre par ce biais et nous vous en remercions. Dans le cadre des abonnements, nous ne reversons pas de commissions à des tiers puisque nous commercialisons ces offres directement via notre site (des investissements pour le développement de la plateforme d'accès à distance des titres ont été effectués en 2016 et 2017 à ce sujet). Dans le cadre de ces abonnements, nous reversons 30% des revenus aux auteurs de façon équitable. C'est ça, aussi, l'esprit de la maison. Et c'est grâce à vous qu'il perdure.
Philippe Aigrain et Guillaume Vissac pour l'équipe des Éditions publie.net
10 Commentaires
Ph.C. février 17, 2018 - 06:56
Un rappel à la fois clair et édifiant. Merci. (Et merci d'avoir rappelé qu'il est aussi important de soutenir la librairie indépendante).
Mel octobre 17, 2019 - 16:20 – En réponse à : Ph.C.
Quand un auteur est payé 10 % un libraire touche 35 % et il faut soutenir les libraires ? Vous êtes sérieux ?
Tom mai 15, 2020 - 16:21 – En réponse à : Mel
Amazon ramasse encore plus au passage, la question est donc : faut-il soutenir Jeff Bezos plutôt qu'un libraire indépendant ?
Philippe Aigrain mai 15, 2020 - 16:39 – En réponse à : Tom
Évidemment non, et ce n'est pas ce que nous faisons. La question est pourquoi Amazon peut-il imposer aux distributeurs et à travers eux aux éditeurs de telles marges ? Et pourquoi les libraires ont-ils tant de mal à commander les livres d'éditeurs indépendants ? La réponse est à multiples facettes. Dans les centres des grandes villes, le prix du foncier réduit énormément l'espace disponible pour "essayer" des titres. Partout, les marges sont faibles (ne parlons pas des nôtres) et la priorité est donc aux titres dont on est plus sûr qu'ils vont vendre. Malgré ces difficultés, les libraires indépendants ont souvent un tout petit nombre d'éditeurs vraiment indépendants dont ils suivent les parutions. Nous faisons des efforts continus pour que la qualité des titres que nous éditons nous permette d'atteindre ces places précieuses.
Un auteur février 19, 2018 - 09:57
Une question innocente: pourquoi lors des ventes salons (où les auteurs se déplacent pour dédicacer les bouquins vendus par les éditeurs sur leurs stands) le pourcentage qui est consenti auxdits auteurs n'est pas augmenté? Ils se déplacent, assurent la promo, donnent envie d'acheter le produit, mais leur pourcentage reste identique que s'ils restaient chez eux à boire un thé dans leur canapé? A un moment il faut que la chaîne du livre soit cohérente: si on peut comprendre que les stands coûtent parfois cher en salon et qu'il faille les rentabiliser, ça ne justifie en aucun cas que les auteurs doivent être considérés comme des "bonus gratuits" qui se déplacent et travaillent le weekend sans aucune contrepartie financière. Une plus juste répartition des ventes salons me semble tout de même à l'ordre du jour...
Un auteur agacé.
Guillaume Vissac février 20, 2018 - 11:02 – En réponse à : Un auteur
Merci pour votre commentaire et pour ouvrir le débat sur la question des salons. Il y a plusieurs types de présences en salon que nous n'avons pas détaillés ici pour une question de clarté : un salon où l'éditeur est lui-même en situation de vendre directement ses livres (c'est le cas présenté dans notre tableau), et un salon où les livres sont vendus par l'intermédiaire d'un libraire. Dans ce second cas, cela équivaut à une vente en librairie avec une marge prévue pour le point de vente. Dans le premier cas, c'est à l'éditeur d'assurer sa présence, c'est-à-dire de payer le coût du stand, le matériel promotionnel, le stock des livres, le déplacement éventuel de son personnel et son temps de présence sur place. Pour un petit éditeur comme nous, il n'est pas toujours assuré que nous rentrions dans nos frais lors de ce type d'évènement.
De plus, chaque salon est différent dans sa configuration et dans son organisation (on n'appréhende pas de la même façon le marché de la poésie, qui dure cinq jours, et un salon régional à l'autre bout de la France, moins long mais qui nécessite un déplacement plus important). Lorsque nous invitons des auteur.e.s à nous rejoindre durant ces salons, c'est toujours sur un créneau déterminé à l'avance et convenu avec lui (ou elle), et je parle ici de signatures et non de lectures (qui nécessitent un autre temps de préparation). Bien évidemment on ne force personne à venir signer (certain.e.s refusent la participation aux salons et nous le respectons). Nous ne considérons pas les auteurs comme des "bonus gratuits" capables d'assurer un travail sans contre-partie financière : nous tâchons de rémunérer nos auteurs de la façon la plus juste possible sans pour autant mettre à mal notre modèle (nos droits d'auteur et la question de la redistribution des revenus liés aux abonnements le montrent bien).
Il y aurait ici matière à aborder d'autres questions (l'idée de cet article était spécifiquement de détailler les coûts et revenus marginaux de la vente d'un exemplaire), par exemple celles de l'équilibre général des coûts et investissements fixes en amont des ventes. Cela inclurait ceux effectués par les auteur.e.s pour l'écriture et la promotion des livres mais aussi tous ceux qui supportent la maison d'édition et tous ses contributeurs bénévoles (qui peuvent également nous aider et nous seconder lors des salons soit dit en passant). Cela fera l'objet d'un autre article à n'en pas douter.
amarei mai 02, 2018 - 08:02
Si j'ai bien compris les tableaux, l'auteur gagne moins sur une vente de livre numérique que papier ? Pourquoi ?
Guillaume Vissac mai 02, 2018 - 09:07 – En réponse à : amarei
Dans cet exemple, l'auteur gagne moins en valeur car le prix du livre numérique est plus faible que le livre papier (ici, dans notre exemple, 4.99€ en numérique contre 17€ en papier) mais en proportion les chiffres sont beaucoup plus importants. En papier, un auteur touche à partir de 12% de droits d'auteur contre 28% pour une vente numérique.
À titre indicatif, les taux moyens observés dans l'édition sont de 8% pour le papier et de 12% pour le numérique.
Si nous prenons un autre exemple parmi nos parutions récentes, avec un livre papier vendu 14€ et sa version numérique vendue 5.99€, l'auteur gagne exactement la même chose (1,59€) sur les deux versions.
dominique clavier juillet 01, 2022 - 11:04
Pourquoi parler en chiffres et non pas en %. Ce serait plus aisé de comparer avec des situations perso.
DC
Comment devenir libraire indépendant ? - Taj.ma décembre 12, 2022 - 05:26
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