[REVUE DE PRESSE] Voilà un journal intellectuel précieux parce que rare : le Journal de la crise, sur Libr'Critique 19 juillet 2017 – Publié dans : La revue de presse – Mots-clés : ,

Merci à Fabrice Thumerel, critique à retrouver ici.

Le moment étant venu de se mettre en Libr-vacance, rien de tel que de prendre le temps de se plonger dans une somme dont on sort grandi. [Sur la crise des subprimes, on ne peut que (re)lire le roman de Mathieu Larnaudie, Les Effondrés]

Laurent Grisel, Journal de la crise de 2006, 2007, 2008, d'avant et d'après, tome II : 2007Publie.net, hiver 2016-2017, 375 pages, 24 €, ISBN : 978-2-37177-464-3.

Voici un journal intellectuel précieux parce que rare : non pas intellectualiste, mais habité par le monde social au travers de l'actualité internationale. Un journal extérieur, pour reprendre la formule d'Annie Ernaux, mais à la différence des volumes écrits par l'illustre écrivaine, ceux de Laurent Grisel sont plus abstraits, s'attachant à décrypter les mécanismes complexes de la crise des subprimes. Ce sont ici les dimensions politique et socio-économique qui prévalent, l'auteur s'appuyant sur des lectures éclairantes (articles de presse, essais).

Les entrées du Journal sont regroupées dans des rubriques aux titres parfois paradoxaux : "Ce qui marche, dans le capitalisme, c'est le communisme" (la prédominance de la coopération sur l'individualisme) ; "Une mathématisation du puritanisme"... Dans ce journal critique abondent les saillies satiriques, comme celle-ci : "Michel Onfray, un philosophe ultra-rapide, capable de ramener n'importe quel philosophe de n'importe quelle époque aux lieux communs du temps présent" (p. 103) ; ou subtilement polémiques : « Christine Lagarde, notre ministre de l'économie, aux "Rencontres financières de Paris Europlace" : " Vous qui partez chercher au loin les clés du paradis fiscal, je vous dis : "revenez, ce n'est plus le purgatoire ici" ". Certes, c'est le paradis » (152)... Mais ce qui en fait surtout le prix, ce sont ses analyses des stratégies du pouvoir. Voyez un peu : « Suivez la consigne : qualifiez de preneurs d'otages, dans tout rapport de forces, la partie adverse, ainsi vous faites d'une pierre deux coups : vous êtes une victime, et jamais vous n'employez, continûment, violemment, chaque jour, chaque heure et depuis des générations et des générations un rapport de forces favorable pour soumettre vos employés. "[...] en otages le groupe japonais et les salariés", ah que la grammaire est belle avec ce "et" qui met le capital et le travail dans le même bateau » (35-36)...