[REVUE DE PRESSE] Climats, de Laurent Grisel : sortir de la mauvaise boucle 22 avril 2016 – Publié dans : La revue de presse – Mots-clés : ,

Merci à Claude Vercey dont vous pouvez retrouver l'article ici-même (revue Décharge).
Le défi était de taille, que relève Laurent Grisel dans son récent ouvrage : évoquer poétiquement la question de l’évolution des Climats, - titre de cet ouvrage (papier et numérique) de 90 pages, paru chez publie.net. Poésie de circonstance, s’il en est, cette prose rythmée, scandée nous entraîne cependant aux antipodes des poèmes émus habituels, qui s’écrivent en réaction à la brutalité d’un événement, même si l’émotion n’est ici à aucun moment absente, ni l’indignation, ni la véhémence. Une émotion lucide toutefois, contrôlée, raisonnée.

Comme à son habitude, Laurent Grisel a fait précéder le temps de l’écriture d’un temps de recherche, d’accumulation d’une documentation précise, scientifique, irrécusable. Il rejoint de fait un grand genre poétique tombé en désuétude, celui d’une poésie didactique comme au XVIème siècle encore la pratiquaient Du Bartas ou Ronsard. Ceci n’est pas une histoire – prévient le premier poème, mais une épopée.

Éprouvante, il ne faut pas le cacher, en ce qu’au bout du compte, c’est bien la fin de l’homme et de la terre habitable, qui paraît inexorablement programmée, même siClimats s’attache aussi à rendre hommage aux lanceurs d’alerte et aux résistants, au peuple munduruku en lutte contre la construction d’une voie navigable sur le fleuve / qui leur volera leur fleuve / qui est leur eau à boire, leur bain et leur baignade / leur pêche comme à Hansen le rigoureux l’émotif, qui dès 2005 annonçait la montée des eaux et les désordres climatiques qui allaient suivre, difficiles à nier aujourd’hui.

Aussi nourrie qu’elle soit de données objectives, cette poésie n’est nullement impersonnelle, Laurent Grisel se l’approprie : remerciant en préalable ceux qui l’ont instruit, après avoir salué les profs de neurophysio qui l’ont initié aux boucles de rétroaction positives et négatives, on lit :

mes premières connaissances des boucles tenues ensemble (…) je les dois à ma mère, Élisabeth Jouguet, dont les doigts armés d’aiguilles et de fil tricotaient et crochetaient inégalablement, très vite, point de sable, maille rivière, point d’astrakan, point noué peut-être,


retrouvant ainsi le fil d’un de ses premiers travaux, la déjà très étonnante Anthologie(1996 - aux éditions du Lérot) où il portait au rang de poèmes des fragments d’ouvrages techniques, dont un extrait d’un ouvrage pour dame et de conseils pour le tricot. La boucle devient de fait une image fondamentale et une figure du style majeure, grâce à laquelle nombre de fois le poète décrit l’enchaînement des phénomènes, de cause à conséquence devenue cause à son tour, comme par exemple la fonte des glaciers sur le Kilimandjaro :


Kilimandjaro perd ses arbres aussi
moins d’eau donc moins d’arbres
donc moins d’eau des nuages accrochée par des arbres
donc moins d’arbres
donc de saison en saison
de moins en moins
d’eau


Pouvons-nous sortir de cette mauvaise boucle ? Bien sur que c’est possible, affirme un titre des derniers poèmes. Possible, toute l’électricité en renouvelable ! - arguments et démonstrations suivent. J’y renvoie. A une condition toutefois – elle n’est pas mince :


Il faut déposséder les possédants de tout
leur reprendre les ressources qu’ils dilapident
leur reprendre les décisions qu’ils prennent à notre place


Poésie politique au final. Hymne insurrectionnel, de ceux qui précèdent l’action et l’accompagnent.

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