[NOUVEAUTÉ] C'est, de Michel Brosseau, en écho à C'était, de Joachim Séné 24 septembre 2014 – Publié dans : Notre actualité – Mots-clés : , , , , , ,

brosseau_cestL’écriture de la série s’est effectuée après lecture du C’était, de Joachim Séné, paru initialement pendant un an sur le blog d’écriture collaborative Le convoi des glossolales, puis repris sous forme d’ouvrage papier aux éditions publie.net. Reprise de la même contrainte formelle, une série d’observations démarrant par une même formule, et concernant le travail, publiées au fil des semaines sur mon site, sans périodicité définie. Le chantier s’est poursuivi pendant presque deux années scolaires, alimenté de réflexions désordonnées et d’images qui se proposaient sur le quotidien du métier d’enseignant. La transcription d’une expérience, d’un vécu au travail.

— Michel Brosseau

 

 

c’est attacher le vélo au grillage du parking, regarder les arbres du parc à côté, traverser le parking exposé au nord, à l’ombre quasi tout le temps, ses graviers sombres,

c’est franchir une série de portes, croiser le flot des élèves, remonter à contre courant,

c’est traverser la cour, y croiser des plantes chétives dans des bacs,

c’est monter des escaliers sans un brin de lumière naturelle,

c’est renoncer à la lumière du jour, travailler sous celle des néons, et la fatigue des yeux le soir,

c’est ne pas prendre ses lunettes parce que le tournis quand lever la tête regarder plus loin que la page,

c’est la machine à café et se rappeler qu’à en boire trop on se prépare des nuits à trous,

c’est, de la part des collègues, les « je peux te voir deux minutes ? »,

c’est devoir se souvenir de prénoms, et le mal qu’on a à force, à mémoriser tous ces visages, associer à chacun une série de syllabes,

c’est résister à l’envie de réduire les élèves à des séries, des types,

c’est, entre deux heures de cours, trouver une salle isolée, un poste connecté au web, et écrire un peu, avoir le sentiment de sauver la journée, de ne plus se réduire à la nécessité du travail,

c’est en sourire, et encore une fois constater que pour soi, ce qui s’est inscrit à l’âge qu’ils ont en face, à l’âge où pas sérieux, aura été tellement décisif,

c’est s’apercevoir que l’accès à Facebook est interdit mais pas à Twitter,

c’est discuter à la récré — bons mots et raccourcis, je vais voir les parents d’untel,

c’est regarder par la fenêtre la pluie qui tombe, et penser au jardin,

c’est l’ennui qui guette l’après-midi, se dire que soi, six heures par jour, assis à écouter…

c’est tellement de clics, d’identifiants et de codes, avant d’accéder à l’application pour faire l’appel,

c’est l’abondance des courriers électroniques, la virulence de certains,